Penser la pandémie grippale : Entre expansion et réduction des incertitudes

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La menace de pandémie grippale fait l'objet d'alertes depuis les années 1990 . La réémergence de problèmes que l'on croyait dépassés car renvoyant aux grandes épidémies (peste, choléra...) est désormais considérée par les spécialistes comme probable sinon inévitable après les dernières pandémies grippales (1918, 1957, 1968), pour des raisons d'ordre tant statistique que tenant à l'histoire des maladies. La question ne semble plus être de savoir s'il y aura ou non une pandémie grippale, mais quand celle-ci surviendra, les sociétés contemporaines paraissant particulièrement vulnérables en raison de la multiplication des échanges, de la globalisation, etc. Après le Syndrome Respiratoire Aigu Sévère (SRAS) en 2003, le développement en Asie du Sud-est d'épisodes réguliers de grippe aviaire est apparu particulièrement préoccupant en raison de l'importance du taux de mortalité (245 personnes étant décédées sur 387 cas avérés au 10 septembre 2008, selon les données de l'OMS) et de la crainte que ce virus aviaire ne se recombine avec un virus humain ou qu'il mute, qu'il s'adapte à l'homme et qu'une transmission interhumaine devienne possible. Aussi bien à l'échelle internationale que nationale, la menace de pandémie grippale a donc été et reste un objet d'inquiétude. Elle a suscité, notamment au plan international, de nombreuses controverses scientifiques et débats. Ceux-ci ont eux-mêmes multiplié les incertitudes relatives à cette question qui semble a priori difficilement assimilable à un risque au sens classique, à savoir un problème dont on pourrait identifier le ou les causes, déterminer les probabilités d'occurrence, évaluer les dommages, etc. (Ewald, 1986). À l'inverse, l'élaboration de " plans de lutte " dans des cadres nationaux s'est souvent traduite par une limitation de ces incertitudes. On observe donc un double mouvement d'expansion et de réduction des incertitudes que l'on se propose d'analyser à travers l'examen de débats et controverses scientifiques qui se sont développées autour de cette question et en prenant en compte un ensemble de réflexions critiques qui ont accompagné la mise en place du plan français . La principale hypothèse ici soutenue est qu'il n'y pas d'incertitude en soi, son amplification ou sa réduction s'expliquant largement par les concurrences auxquelles se livrent les acteurs pour définir des problèmes, les " cadrer " (Goffman, 1974) et ainsi conserver ou conquérir des positions, maintenir ou modifier les compromis qui stabilisent leurs relations. Dans cette perspective, l'ampleur de l'incertitude apparaît surtout dépendre de l'usage qui en est fait, ce qui conduit à s'intéresser moins à l'incertitude en soi qu'aux jeux d'acteurs qui peuvent aussi bien l'amplifier que la limiter.

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