Birth of a nomadic European people

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20 janvier 2022

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Alain Tarrius, « Birth of a nomadic European people », Publications scientifiques du Muséum national d'histoire naturelle, ID : 10670/1.6ykjb4


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Résumé En Fr

1980s: Algerian immigrants since 1962, little visible on the public scene, developed transnational commercial initiatives to supply vast underground markets emerging in France, Italy, Germany, Belgium and the Netherlands, then in Spain, while strengthening their ties with the Maghreb. After 1990, the Algerians of Europe, who were suffering the aftershocks of the civil war in Algeria, withdrew to local micro markets at the same time as the great Moroccan migration was unfolding. In a decade, more than a million people created all sorts of European networks for housing, work... took over the cross‑border commercial activities from Algerians, with more flexible and diversified logistics. It was in the early 2000s that they met the Afghan, Georgian, Russian and Ukrainian cohorts of East Asian transmigrants working for Southeast Asian firms, negotiating ‘poor to poor’, i.e., ‘by the poor for the poor’, duty and quota-free electronic products. Goods sent from Hong Kong to the Persian Gulf Emirates, where they escape the control of the WTO in order to invade, through sales at half price, the huge market of the poor in Europe, who are solvent under these conditions. Taking the trans-Balkan route, they merged in 2003 in Italy with the Moroccans. A major route of Globalization from below, or among the poor, was thus born from the Black Sea to Andalusia via Bulgaria, Albania, Italy, Southern France and the Spanish Levant. ‘Informal notaries’ ensure the ethics of exchanges along this ‘circulatory territory’. Bypassing the survival markets of the main metropolises, Istanbul, Sofia, Naples, Marseilles, Barcelona, the capitals of the territories of the transmigrants of the ‘poor among the poor’ are medium-sized cities. In France, Perpignan is one of them. Little by little, Balkan women are joining the sex work movement in Spain, with psychotropic drug traffickers linked to the Italian 'ndrangheta, Sacra Corona Unita, and the Russian-Ukrainian Dnieper mafia, who are particularly active in the border areas of the Adriatic Sea, from Albania to Italian Puglia, and in the Catalan area, from Perpignan, Andorra, La Junquère, Sitges. We have, in particular, studied this last cross-border area more closely.

Naissance d’un peuple européen nomade : territoires des migrants de la mondialisation entre pauvres en Europe méridionaleAnnées 1980 : sur la scène publique des « beurs, orphelins de la République » succèdent à leurs pères Algériens immigrés depuis 1962 et de moins en moins visibles. Échappés au regard, au contrôle, à la soumission étatique nombre de ces « pères disparus », alors même que les conditions d’immigration se durcissent, ont développé des initiatives commerciales transnationales, pour alimenter de vastes marchés souterrains en France, en Italie, en Allemagne, Belgique et Pays Bas, puis en Espagne tout en renforçant leurs liens avec le Maghreb. Pour l’essentiel, au niveau international européen, il s’agit de redistributions en économies souterraines de produits électro-ménagers allemands ou audio-visuels hollandais de fin de séries et de pièces détachées d’automobiles contrefaites dans le vaste dispositif industriel piémontais délocalisé dans des unités familiales ; au niveau international euro-africain il s’agit d’un vaste marché de voitures d’occasion et de pièces détachées de provenances allemande, italienne et française, de matériel agricole et de travaux publics hollandais et italiens ; au niveau local et régional les distributions agricoles officielles sont doublées par des logistiques souterraines. Ces vastes marchés industriels et agricoles sont aussi invisibles que les « pères disparus » qui les animent. Cette période des années 1980 instaure au niveau européen et sur des bases ethniques les modalités, réseaux et logistiques, des échanges souterrains qui caractériseront la « mondialisation par le bas » des décennies suivantes.Après 1990, les Algériens d’Europe, qui subissent les contrecoups de la guerre civile en Algérie se replient vers des micros marchés locaux alors même que se déploie la grande migration marocaine : plus d’un million de personnes créant toutes sortes de réseaux européens pour se loger, travailler… reprennent les activités commerciales transfrontalières des Algériens, avec des logistiques plus souples et diversifiées, dotées de « notaires informels » qui veillent à l’éthique des échanges. C’est au début des années 2000 qu’ils rencontrent les cohortes cosmopolites afghanes, géorgiennes, russes et ukrainiennes de transmigrants de l’Est oeuvrant pour les fabriques du Sud Est Asiatique en négociant en « poor to poor » c’est à dire « par les pauvres pour les pauvres », hors taxes et contingentements, des produits électroniques. Marchandises « made in Seoul, Taïwan and Japan » envoyées via Hong Kong vers les Émirats du Golfe Persique où elles échappent au contrôle de l’OMC afin d’envahir, par des ventes à moitié prix, l’immense marché des pauvres en Europe, solvable à ces conditions. Empruntant la route transbalkanique, ils fusionnent, dès 2003, en Italie, avec les Marocains : une route majeure de la Mondialisation par le bas, ou entre pauvres, naît ainsi de la mer Noire à l’Andalousie par la Bulgarie, l’Albanie, l’Italie, le Sud français et le Levant espagnol. Le cosmopolitisme caractéristique des réseaux trans balkaniques s’étend à l’ouest le long des routes marocaines et, à l’inverse, les régulations éthiques marocaines des échanges s’étendent à l’est jusqu’à la mer Noire.Peu à peu des femmes balkaniques s’agrègent aux circulations de la mondialisation par le bas pour le travail du sexe en Espagne, encadrées de trafiquants de psychotropes liés à la ‘Ndrangheta, à la Sacra Corona Unita italiennes, et à la mafia russo-ukrainienne du Dniepr particulièrement actives dans les trois « espaces de moeurs transfrontaliers » majeurs : celui de la mer Noire, qui concentre les produits du SEa (Southeast Asian) passés par Dubaï et les répartit auprès des transmigrants arrivés par groupes ethniques et repartis vers l’Europe par groupes cosmopolites ; celui de la mer Adriatique, du Kosovo, du Monténégro et d’Albanie aux Pouilles italiennes, qui intègre les milieux criminels italo-albanais et russo-ukrainiens pleinement dans le territoire circulatoire et enfin, celui, Catalan franco-espagnol, de Perpignan, Andorre, La Junquera, Sitges, qui instaure la primauté des trois formations criminelles sur le Bassin ouest méditerranéen. Ces milieux criminels blanchissent les bénéfices de leurs trafics en finançant les réseaux du poor to poor, après que Gordon Brown et Nicolas Sarkozy l’aient interdit aux banques émiraties en 2006. Les notaires informels veillent à l’interdiction faite aux transmigrants du poor to poor d’entrer en relations commerciales avec les réseaux criminels. Ils gèrent notamment les transactions financières qui se substituent aux prêts des banques émiraties, permettant l’achat de marchandises par les transmigrants en blanchissant des revenus de la prostitution et des ventes de psychotropes opiacés lors d’achats de rechargement des produits made in SEa dans les ports fournis par des caboteurs liés aux logistiques maritimes émiraties. Le remboursement des prêts autorise une « coulure », consécutive aux opérations de blanchiment, d’environ 30%, allégeant d’autant les prix des marchandises : plus les transmigrants parcourent le territoire circulatoire, empruntent aux notaires et achètent des marchandises « made in SEa, taxless and passed by Dubaï » moins les marchandises coûtent. Cette caractéristique des économies souterraines associée à l’encadrement éthique des notaires conforte l’homogénéité du territoire circulatoire, dont les transmigrants, solidarisés avec leurs clients pauvres, deviennent les légitimes habitants nomades. Le sentiment d’une appartenance commune transnationale et multiethnique est fort et s’exprime par un « nous les nomades », conforté par la proximité des pauvres habituellement rencontrés le long de la route transbalkanique « des Sultans » puis celle, en Europe de l’ouest, « en pointillés » de ghetto urbain en ghetto suburbain. Un peuple nomade dont la légitimité tient dans la mobilité transnationale incessante. Sur injonction des commanditaires commerciaux des Émirats afin, d’une part, de ne pas créer une confusion entre produits authentiques détaxés et contrefaçons et d’autre part, de ne pas concurrencer les nombreux diffuseurs officiels, les vastes marchés de survie des grandes métropoles, Istanbul, Sofia, Naples, Marseille, Barcelone, sont évités. Ce territoire transnational choisit des villes moyennes fortement cosmopolites comme capitales. En France, Perpignan est l’une d’elles ; les nuisances auprès d’une jeunesse délaissée y sont graves : des adolescent.e.s, surtout sous protection d’institutions départementales, entrent dans les filières prostitutionnelles espagnoles par l’ « espace de moeurs transfrontalier » centré sur la proche « capitale européenne » de la prostitution, La Junquera. Dans ce vaste espace, des banques d’Andorre permettent, avec des banques en ligne, de blanchir l’argent de rentiers occitans et catalans, du sud et du nord, qui placent de fortes sommes dans les accointances immobilières des milieux criminels : placements détournés des anciens investissements, moins rentables, dans l’agriculture et les industries locales. Absorbés par les clientélismes électoraux et de gestion locale de la pauvreté généralisée, les politiques roussillonnais ne voient ni ne comprennent les effets de cette mondialisation sur les rapports sociaux locaux.Plus de deux cent mille circulants forment aujourd’hui, en interaction avec plusieurs millions de résidents, une société cosmopolite en mouvement le long de l’Europe méridionale, mêlant les collaborations entre diversité des origines et des religions, susceptible de modifier les équilibres locaux en contribuant paradoxalement au désenclavement des regroupements ethniques pauvres dans ou en périphérie des villes. Des logistiques maritimes de « réapprovisionnement » ont été développées du Golfe vers des ports méditerranéens secondaires d’Albanie, d’Italie, de France et d’Espagne ; en même temps des transporteurs terrestres internationaux ont accueilli nombre de ces trafics à partir de la vaste étape frontalière du Perthus-la Junquera. Logistiques qui confortent encore l’unité de cet espace de mouvement : le territoire circulatoire euro-méridional. Peu à peu, ces derniers mois l’armature logistique des transports de marchandises par camions et bateaux s’ouvre aux transmigrants, permettant de diversifier les itinéraires, les carrefours, fluidifiant davantage encore le territoire des nouveaux nomades.

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