Romance au Baloutchistan. La théorie anti-utilitariste de l'amour de Jean et Robert Pehrson

Résumé Fr

Robert Pehrson (1926-1955) a fait l'effet d'un météore dans l'histoire de l'anthropologie. Consumé très jeune par sa passion pour le terrain ethnographique, il est décédé près de Quetta, au Pakistan, emporté par une maladie foudroyante, le 8 septembre 1955, à l'âge de 29 ans seulement. Cette disparition précoce survint alors qu'il collectait avec son épouse, Jean Pehrson, les données sur la tribu des Marri exposées dans l'ouvrage The Social Structure of the Marri Baluch, duquel est extrait le texte traduit ci-après, et qui fut publié de manière posthume par le grand anthropologue norvégien Fredrik Barth [1966].La conception de l'ouvrage, fruit d'une division du travail entre la collecte de données empiriques et l'analyse, est inhabituelle pour l'anthropologie moderne. Difficile de dire qui des Pehrson ou de Barth, avec lequel les premiers s'étaient liés d'amitié lors de leur arrivée à Karachi en novembre 1954, est l'auteur auquel nous devons ces pages et réflexions anthropologiques pionnières sur l'amour romantique. Il s'agit quoi qu'il en soit d'une étude reconnue comme classique pour l'anthropologie de l'amour [Lindholm, 2006] et plus largement pour l'anthropologie des émotions, abondamment citée par les anthropologues qui travaillent sur le Pakistan et les pays voisins -sans manquer bien sûr de passer, avec d'autres, par les fourches caudines de la critique postcoloniale de l'orientalisme [voir Kavesh, 2023].Je propose ici quelques éléments de contextualisation de l'extrait traduit, en revenant sur le contenu de l'ouvrage et les prolongements maussiens de l'analyse proposée par Pehrson (Barth), la romance y apparaissant comme une forme particulière d'attachement liée au don. Mais commençons par quelques éléments sur le parcours fulgurant de Robert Pehrson, fait auteur posthume de ce texte.