4 mars 2021
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Daniel Estevez, « Fabriquer un autre regard, transformer le monde: Notes sur l’exposition “Les communautés à l’oeuvre” du Pavillon Français à la XVIIème Biennale Internationale d’Architecture de Venise, 2020. », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.73f6ea...
C'est à l'anthropologue écossais Tim Ingold que l'on doit l'une des définitions les plus stimulante pour l'architecture d'une pratique humaine immémoriale : l'activité de fabrication. Quel que soit son domaine d'application, tout projet de fabrication consisterait à agencer des forces en présence. La production des objets ne serait donc pas définie comme une simple chaîne d'activités rationnelles convergeant vers un but fixe, mais comme une combinaison temporaire de processus existants. Pour faire comprendre cette notion, l'anthropologue cite l'exemple de la fabrication d'une simple brique de terre. Cet acte est vu d'ordinaire comme un projet linéaire qui, partant d'une idée abstraite de la brique, viserait à imposer une forme géométrique, le parallélépipède, à de la matière inerte, l'argile, par un moyen technique, le moule. Le projet est réalisé quand le praticien impose la forme projetée à la matière disponible. Mais l'approche anthropologique de l'activité de fabrication est en contradiction complète avec ce schéma hylémorphique. Elle affirme au contraire que le sujet qui fabrique est immergé dans des champs de forces hétérogènes et compose avec elles. "La brique, écrit Ingold, avec sa forme rectangulaire caractéristique n'est donc pas le résultat d'une imposition de la forme sur la matière, mais d'une contra-position égale de forces opposées de l'argile et du moule." L'acte de fabrication correspond alors à un assemblage, un agencement de processus divergents.