2023
Cairn
Manuel Charpy, « « Par une main restée inconnue ». Retour sur les écrits séditieux dans le Paris des années 1872-1885 », Revue d'histoire du XIXe siècle, ID : 10670/1.74kila
La surveillance des écrits et placards séditieux dans le Paris des lendemains de la Commune, entre 1872 et 1885, a donné lieu à 2 780 rapports et à l’arrachage et la conservation d’environ 500 documents graphiques. Ces documents, déjà analysés par Céline Braconnier, Susanna Barrows et Philippe Artières, peuvent être lus non seulement comme l’expression politique des Parisiennes et Parisiens mais aussi comme les traces d’une culture visuelle et matérielle populaire. Si les enquêtes policières sont des impasses, les objets graphiques permettent de retrouver une culture populaire de l’écrit et une manière d’exister dans une ville encore en chantier. Pris entre la surveillance des commissaires comme des délateurs et la saturation des affiches commerciales et officielles, les auteurs répètent leurs écrits ou travaillent à une microscopique échelle mais en choisissant avec soin l’emplacement de leurs placards. La nature des charbons, craies, crayons et plumes, celle des supports – papiers d’emballage, journaux, bordereaux de télégrammes, etc. – et les manières de les fixer – pastilles de farine, colles de peaux, etc. –, donnent des indices sur les auteurs de ces inscriptions. Les « perruques » inquiètent particulièrement, qu’il s’agisse de tissus brodés sans doute par des femmes, de lettres-pochoirs venues des outils des dockers des douanes et du port de la Bastille, ou de techniques administratives comme la duplication à la gélatine. Tantôt réalisés dans l’urgence, tantôt patiemment dans l’intimité, ces écrits témoignent d’une culture populaire à la fois marquée par une scolarité élémentaire, par une culture typographique modelée par la presse et le commerce, et par une nouvelle culture de la paperasse.