La “ démocratie illibérale ” : un concept révélateur des tensions du constitutionnalisme

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2023

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Aïda Manouguian, « La “ démocratie illibérale ” : un concept révélateur des tensions du constitutionnalisme », Civitas Europa, ID : 10670/1.74uf8q


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Au XXIe siècle, en Europe, le mot de « populisme » évoque immanquablement la « démocratie illibérale », conceptualisée à la fin des années 1990 et concrétisée par la suite en Hongrie et en Pologne. Or, par-delà l’étude de ces expériences concrètes, le concept même de démocratie illibérale impose de mener une réflexion sur le sens qu’il peut revêtir en droit constitutionnel. De prime abord, la démocratie illibérale heurte profondément la pensée constitutionnelle au point que son avènement a pu réactiver la question de savoir si le peuple, au fondement même de l’idée démocratique, ne pouvait pas paradoxalement se dresser contre elle. La difficulté tient à la détermination du critère de ce que serait une « vraie » ou une « fausse » démocratie. La théorie constitutionnelle peine en effet à déterminer le sens de la démocratie : les définitions se multiplient et se juxtaposent au point de se rapporter à un ensemble hétérogène. Autrement dit, comment appréhender la démocratie illibérale quand le concept de démocratie demeure lui-même encore si confus ? L’étude de ce concept exige de s’interroger sur l’histoire de la relation de la démocratie et du libéralisme. A l’origine de l’avènement du gouvernement représentatif, se présente comme une doctrine tendant à limiter les pouvoirs. L’exaltation du pouvoir du peuple que suppose la démocratie ne peut que constituer un danger pour l’équilibre des pouvoirs et la garantie des droits – autrement dit pour l’idéal constitutionnaliste. Le constitutionnalisme ne peut qu’entrer en résistance contre la souveraineté du peuple, dans la mesure où il vise fondamentalement à définir les moyens de limiter la volonté politique. Le compromis durablement installé, à partir de la seconde partie du XIXe siècle, entre la démocratie et le gouvernement représentatif a aggravé les difficultés. À l’époque contemporaine, la démocratie ne semble pouvoir exister indépendamment de l’État de droit (dont le parachèvement semble s’être réalisé par la juridictionnalisation du droit) qui vient, pourtant, là encore la limiter. Au contraire, l’illibéralisme entend faire fi de toute limitation de la volonté populaire. Le concept de démocratie illibérale aiguise donc significativement les tensions entre démocratie et libéralisme, elles-mêmes révélatrices des conflits affectant la pensée constitutionnelle.

In 21st-century Europe, the word “populism” invariably calls to mind the “illiberal democracy” conceptualised in the late 1990s and given later concrete expression in Hungary and Poland. Yet, in addition to the study of these concrete experiences, the very concept of illiberal democracy requires reflection on what it might mean in constitutional law. At first glance, illiberal democracy runs deeply counter to constitutional thought, to the point that its advent resurrected the question of knowing whether the people, while basing themselves on the idea of democracy itself, might not paradoxically be standing against it. The difficulty comes in determining the criteria for what might be a “true” or “false” democracy. Constitutional theory finds it hard to define what democracy actually means: there is no lack of definitions and they are juxtaposed to the point of seeming to pertain to a heterogeneous ensemble. In other words, how do you understand the term “illiberal democracy” when the concept of democracy itself is still so confused? Study of the concept requires examination of the history of the relationship between democracy and liberalism. Initially, representative government seemed like a doctrine that tended to limit powers. The exaltation of the power of the people that democracy supposes cannot but be a danger to the balance of powers and guarantee of rights – in other words, to the constitutionalist ideal. Constitutionalism can only resist the people’s sovereignty insofar as it seeks fundamentally to define the means to limit political will. The longstanding compromise between democracy and representative government, reached in the second half of the 19th century, has only aggravated the problems. These days, democracy does not seems to be able to exist independently of the rule of law (initiation of which seems to be achieved by the jurisdictionalisation of law), which nonetheless limits it once again. In contrast, illiberalism means disregarding all limitations of the popular will. Therefore, the concept of illiberal democracy significantly heightens the tensions between democracy and liberalism, which themselves reveal conflicts impacting constitutional thought.

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