15 décembre 2022
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Cécile Leblanc, « La convoitise d’un langage autre : influence du wagnérisme sur la question des couleurs, de Baudelaire à Kandinsky », Textes et contextes, ID : 10670/1.78ajt9
C’est pendant les auditions des opéras de Wagner et tout particulièrement Lohengrin que de nombreux artistes, de Baudelaire à Kandinsky, ont leurs expériences de synesthésie. Alors que Wagner ne s’est pas véritablement intéressé à cette question, le post-wagnérisme européen s’en empare. Les couleurs, associées au son, semblent ouvrir l’accès à une description de l’invisible, de la complexité du monde et de sa mobilité sensible. Pour les disciples de Wagner, le Gesamtkunswerk est incomplet. Dans la réflexion post-wagnérienne sur la remise en cause des modalités de l’art total, la couleur joue un rôle considérable : pour aller plus loin que Wagner dans l’unicité absolue, indéfectible des arts, il faut poser le principe de l’abstraction dont la couleur est le véritable langage.Malgré le procès de la synesthésie instruit en Europe à partir des années 1880 entre autres par Max Nordau, qui fait de cette « indifférenciation des sens » un signe de primitivité, la couleur dans son association expérimentale au son devient la condition d’un art qui se veut prophétique sans être figuratif. L’association du wagnérisme à la question des couleurs est par conséquent à l’origine de l’art qui s’invente au XXe siècle.