2010
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Études littéraires ; vol. 41 no. 3 (2010)
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Uri Eisenzweig, « Fiction et violence entre auteur et Créateur », Études littéraires, ID : 10670/1.7al9rq
La spécificité du « terrorisme » consiste en une violence perçue comme intrinsèquement dépourvue de sens : arbitraire quant à ses victimes immédiates, aléatoire quant aux lieu et moment où elle se produit. Objet de la fascination horrifiée d’une modernité se voulant rationnelle, le « terrorisme » fut initialement associé au personnage de l’« anarchiste » tel que l’imagina le discours dominant de la fin du XIX e siècle, qui n’y vit que nihilisme et destruction. Mais un siècle plus tard, la fiction de l’anarchiste-poseur-de-bombes devenue triviale et folklorique, c’est une autre figure qui incarne désormais l’origine de la violence aveugle : le religieux. La différence, essentielle, étant que l’anarchisme ne fut pas vraiment à l’origine des bombes des années 1890, alors que les attentats d’aujourd’hui sont presque toujours revendiqués par les mouvements religieux qui les commanditent. Et avec ceux-ci, c’est une inversion curieusement symétrique du masque nihiliste d’antan qui est imaginée derrière le non-sens de la tuerie : la nature ineffable et indescriptible d’une Autorité transcendante. Le terrorisme, ou d’une fiction l’autre.