Robert Delavignette (1897-1976), un paradoxal héros du retrait colonial

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Figure majeure de la vie politique et institutionnelle française de l’entre-deux-guerres et de l’après-guerre, Robert Delavignette (1897-1976) fut successivement administrateur des colonies au Sénégal, au Niger et en Haute-Volta, puis directeur de cabinet du ministre des Colonies sous le Front populaire, et finalement Directeur de l’Ecole nationale de la France d’outre-mer de 1937 à 1946. Après la Seconde Guerre mondiale, il futnommé Haut-Commissaire de la République au Cameroun, de mars 1946 à mars 1947, puis « gouverneur général » et directeur des affaires politiques au Ministère de l’outre-mer. Parallèlement à ses importantes fonctions politiques et académiques, Robert Delavignette fut également un écrivain renommé, lauréat de plusieurs prix, traduit dans plusieurs langues, et publié dans les plus grandes maisons d’édition parisiennes, notamment chez Gallimard. Delavignette devint ainsi, au fil des décennies, un paradoxal « héros du retrait colonial » car il exerça toujours sesfonctions d’une manière double et toujours critique. Il voulut en effet, dès les années trente, accompagner la mutation de la domination coloniale, avec son cortège de contraintes et de violences, vers une nouvelle politique indigène, fondée sur la reconnaissance de la dignité et de la valeur des cultures africaines, dans un nouveau système impérial basé sur une véritable égalité de droits et de devoirs. Son rêve d’une nouvelle unité politique se concrétisa avec l’avènement, en 1946, de l’Union française dans le cadre de la Quatrième République. Mais à compter des années cinquante, retiré lui-même de toute fonction politique, Delavignette assista à l’inéluctable déclin de l’empire français, sans renoncer cependant à la « plus haute idée de la France » que ce dernier avait incarné à ses yeux en intégrant de nombreux représentants africains (parlementaires, secrétaires d’État, ministres, administrateurs…) au sein de ses institutions politiques. Ce sont donc ces deux facettes complémentaires de l’homme d’action et de l’écrivain – à savoir d’une part le héraut (au sens de promoteur) d’une mutation coloniale en un empire d’inspiration égalitaire, et d’autre part le héros (au sens d’acteur de premier plan), d’un inéluctable reflux impérial – que cet article explore.

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