7 décembre 2017
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Florence Cabaret, « Staging the ‘devoted’ Mr Amanjit Singh in Upstairs, Downstairs (BBC1, 2010-2012) », Textes et contextes, ID : 10670/1.7e9779...
Si l’on a récemment assisté à la multiplication de séries britanniques (re)mettant en scène la cohabitation entre maîtres et domestiques dans des productions en costumes revenant sur les premières décennies du XXème siècle au Royaume Uni (Downtown Abbey, The Forsyte Saga), Downstairs, Upstairs est le seul exemple de série télévisée qui ait choisi d’inclure comme domestique vivant sous le même toit que ses maîtres un personnage né en Inde. La version 2010 de Downstairs, Upstairs reprend en fait une série diffusée dans les années 1970, et la fait redémarrer en 1936 (soit six ans après la fin de la série d’origine), pour s’intéresser aux circonstances qui déboucheront sur la déclaration de la Seconde Guerre mondiale. Ce décalage temporel justifie peut-être que les créateurs de cette nouvelle série aient décidé d’introduire au 165 Eaton Place à Londres le personnage de M. Amanjit Singh, qui n’est autre que le secrétaire particulier de Lady Holland, alors que celle-ci rentre d’Inde et vient habiter chez son fils, Sir Hallam Holland, désormais propriétaire du lieu où se déroulait déjà la série précédente. Indépendamment du fait que la présence physique d’un domestique étranger au sein du groupe de personnages est un phénomène assez rare en soi (tant du point de vue de l’histoire des migrations depuis l’Inde vers le Royaume-Uni dans les années 1930 que de l’évolution des séries historiques et de leur intégration de domestiques étrangers dans leur scénario), cet article propose d’étudier les modifications du rôle de M. Amanjit Singh au cours de ses deux saisons, en s’intéressant à la mise en scène de son corps ainsi que de son agentivité intellectuelle. Nous verrons d’abord comment la série souligne visuellement la situation d’entre-deux spatial dans laquelle se trouve le personnage qui, dans cette nouvelle demeure, n’appartient ni au monde d’en haut ni à celui d’en bas. Puis, nous montrerons que la série s’articule autour d’une confiance croissante entre les personnages attachés à ces trois espaces connexes, si bien que de personnage mineur, M. Amanjit Singh passe de plus en plus au premier plan de nombreuses scènes où autonomie et reprise en main (d’en haut et d’en bas) alternent et se régulent l’une l’autre. Enfin, nous proposerons une analyse rétrospective de l’émancipation contrôlée de ce personnage au sein de la série comme la trace fictionnelle d’un idéal de rapports entre Indiens et Britanniques (idéal informé par le point de vue des maîtres), qui nous donnerait à réfléchir sur la manière dont cette mise en scène d’un dévouement « à la gentleman » et d’une initiative retenue continuent d’influencer certaines perceptions de ce qu’étaient les relations anglo-indiennes avant 1947, et ce qu’elles pourraient encore être.