"Saint-Paul-sur-Ubaye au XIIIe siècle: Les bergers d'ici et d'ailleurs face à face"

Résumé Fr

Les Archives Départementales des Alpes de Haute-Provence ont la chance de conserver un manuscrit du XIIIe siècle sous la forme d’un rotulus, rouleau de parchemin en excellent état de conservation, relatant une enquête diligentée par les officiers de la cour du Comte de Provence en 1286, à la suite de l’intrusion suivie d’expulsion de brebis dites étrangères sur le territoire de Saint Paul sur Ubaye.Cette investigation met en présence la communauté des hommes de Saint-Paul sur Ubaye, leurs seigneurs, ainsi que le comte de Provence attaché à ses droits sur le délicat problème de passage et surtout de pâturages de brebis « étrangères » lors de l’estive. Ces quelques 1200 ovins, paissant sur les terres de Saint-Paul au détriment des bêtes du lieu viennent par les chemins de transhumance depuis la Basse-Provence, et cela crée inévitablement des conflits entre leurs bergers et les habitants de la vallée. Cette enquête nous permet de connaître la procédure des enquêtes initiées par le nouveau comte de Provence, Charles Ier d’Anjou, dès 1252, dans son souhait d’affermir son pouvoir et de conforter ses droits. Nous avons également la vision des droits et demandes des membres de la communauté, de leurs actions pour exclure les ovins étrangers des pâtures, étant étrangers tout bétail qui n’appartenait pas à un habitant de Saint-Paul.La Haute Provence représente un lieu incontournable pour l’économie rurale de l’époque, en tant que lieu de passage privilégié de la transhumance. Et de fait, même plus qu’un lieu de passage ! C’est un lieu d’accueil de la transhumance d’été des brebis et autres troupeaux venant de Basse Provence. Il faut bien penser que les troupeaux constituent l’élément essentiel de la vie économique de la Haute Provence et cette forme de revenu est toute aussi importante pour la vallée de l’Ubaye et surtout Saint Paul qu’elle en est la principale. Mais quels étaient les enjeux de ces échanges économiques ? Quels liens se sont tissés autour de ces déplacements, tant humains qu’animaux sur le territoire de Saint Paul et des villages environnants ? Comment les hommes de l’époque géraient-ils les conflits de pâturages sur des terres parfois difficiles d’accès et aux ressources limitées ? Comment le pouvoir comtal régulait-il ces conflits ? Nous allons étudier ces questionnements au prisme de cette enquête rédigée en 1287 et qui relate les témoignages émanant d’habitants de Saint Paul, Tournoux, Vars et Meyronnes (entre autres) à la suite de l’expulsion – et la consommation- de brebis « étrangères » par la communauté du village de Saint Paul en 1286. Ces actes ont entraîné une procédure judiciaire qui nous est parvenu intacte et qui permet d’appréhender les liens à la fois antagonistes et complémentaires entre seigneurs et communautés villageoises.