2015
Cairn
Frédéric Marteau, « Contra-diction. Paul Celan et l’art du contrepoint », Littérature, ID : 10670/1.7fd712...
Depuis ses premiers poèmes, comme la célèbre « Fugue de mort » ( Todesfuge), Paul Celan développe une écriture contrapuntique qui, loin d’être la recherche d’un accord, souligne au contraire une dissonance radicale, une impossible euphonie, une poétique de l’irréconciliable. Cette poésie semble en effet relever d’un art du contre, ce qu’il nommera dans son discours du Méridien la contre-parole ( Gegenwort). Elle est l’affirmation d’une nécessaire contra-diction. En contrepoint d’une histoire récente désastreuse, cette écriture se tient contre : contre l’allemand, contre le lyrisme, contre toute une tradition poétique. Mais comment donner malgré tout une unité au contradictoire, comment faire coaguler en un poème des éléments disparates et nécessairement polysémiques qui s’affirment tout en révélant des oppositions, des ruptures ? Il s’agit de redéfinir ce qu’est un poème et de réévaluer la distance qui le sépare de son lecteur : l’art du contrepoint celanien consiste en effet à impliquer le « procès » de la lecture au sein même du poème. C’est au lecteur (à l’autre) de faire résonner l’unité (finie) du poème dans l’ampleur (infinie) de sa contra-diction – d’accorder le désaccord.