2018
Cairn
Valérie Hayaert, « L'allégorie de Justice et ses bandeaux », Les Cahiers de la Justice, ID : 10670/1.7i5exx
Dans le cadre d'une étude plus vaste sur la symbolique judiciaire à l'âge moderne en Europe, je souhaite exposer un problème allégorique qui revient de manière constante dans les débats sur ce que doit être une bonne allégorie de l'idée de Justice. Le bandeau est un attribut énigmatique, profondément dérangeant. Peut-on vraiment rêver d'une justice privée de clairvoyance, distribuant ses coups à l'aveuglette ? Dans le sillage des travaux fondateurs de Ernst von Möeller, Erwin Panofsky, Robert Jacob, Christian-Nils Robert ou plus récemment, José M. Gonzàlez Garcia, l'objet de cette contribution est d'apporter des témoignages contemporains (de magistrats notamment) sur la manière dont le problème était perçu au XVIe siècle. Particulièrement représentatif de la pensée symbolique que cultivent ces professionnels du droit, le bandeau de la déesse, sujet d'équivoques durables, est le lieu privilégié du déploiement d'un véritable art de l'interprétation. Est-ce que les yeux de Dame Justice sont voilés par Dieu, par le Roi ou bien s'agit-il d'un dispositif d'entrave qu'elle s'impose à elle-même ? Le bandeau sert-il à priver la Justice de sa faculté de voir ou bien est-ce une manière de la renvoyer à sa conscience, à un regard intérieur ? Signifie-t-il que Justice ne peut pas voir ou bien ne peut être vue ? Toutes ces questions animent de prolixes commentaires et n'épuisent jamais totalement l'énigme du bandeau.