2012
Cairn
Patricia Siméoni et al., « Le mythe des premiers réfugiés climatiques : mouvements de populations et changements environnementaux aux îles Torrès (Vanouatou, Mélanésie) », Annales de géographie, ID : 10670/1.7ldo45
Depuis la fin des années 1990, la montée du niveau de l’océan aux îles Torrès, dans le nord de l’archipel du Vanouatou, a provoqué l’inquiétude des communautés locales et internationales. En 2004, le village de Lataw sur l’île de Tégoua fut déplacé de plusieurs centaines de mètres avec le soutien du gouvernement du Vanouatou et de l’aide canadienne. Sur la scène internationale, ces villageois devinrent les « premiers réfugiés climatiques » de l’Histoire, et furent présentés comme les victimes du réchauffement. Notre étude porte sur deux villages de deux îles différentes du groupe qui ont vu au cours des douze dernières années leur morphologie côtière évoluer, un phénomène interprété comme lié au réchauffement climatique et à son corollaire : la montée des océans. Cet article présente une analyse des données géophysiques et eustatiques expliquant la variation relative du niveau marin. S’il contribue à la montée des eaux, le réchauffement climatique n’a pas le rôle dominant qui lui a été attribué dans les inondations observées aux Torrès. En effet, les mouvements tectoniques soudains (séismes) ou plus lents nommés intersismiques (entre les séismes), ainsi que des variations temporaires du niveau marin dans le bassin Pacifique liées par exemple à l’oscillation australe (El Niño et La Niña) sont les principaux responsables de la rapide montée des eaux observée sur la période 1997-2009. Les Torrès sont constituées d’un groupe d’îles faiblement peuplées dont les vicissitudes démographiques ont fortement contribué à la distribution contemporaine des habitants. Aujourd’hui essentiellement côtiers, les Torrésiens ne l’ont pas toujours été. Ils sont plus sensibles aux changements environnementaux littoraux que du temps où ils résidaient à l’intérieur des terres. Par ailleurs, leurs croyances en certains pouvoirs surnaturels qui pouvaient commander les éléments naturels subsistent mais de façon approximative au cœur de leurs nouvelles valeurs chrétiennes. Ces dernières n’étant pas axées sur la compréhension de l’environnement, elles n’aidèrent pas particulièrement les insulaires à moderniser leur perception des dangers environnementaux.