2021
Cairn
Françoise Zamour, « Itinéraire de Roubaix à Jérusalem, ou comment peut-on être Juif ? : Pour une lecture talmudique des films d’Arnaud Desplechin », Nord', ID : 10670/1.7n7amk
De La Sentinelle à Rois et Reine, des Fantômes d’Ismaël aux Trois souvenirs de ma jeunesse, une relation particulière au judaïsme traverse l’œuvre d’Arnaud Desplechin, comme une mélodie continue, assourdie parfois, mais toujours présente. De l’adolescence de Paul Dedalus, fascinée par le destin des refuzniks, à l’évidence paradoxale des ouvrages de Lévinas dans la bibliothèque d’un jeune policier de Tourcoing, cette présence pose question. Pourquoi les personnages du cinéaste manifestent-ils un intérêt si vif, un désir si passionné d’appartenance à un monde apparemment bien lointain ? Que dit le judaïsme de la place de la mémoire dans le cinéma de Desplechin, de son rapport à l’Histoire ? Si la relation entre les films de Desplechin et l’œuvre de Claude Lanzmann ouvre des pistes pour tenter de comprendre cet intérêt, elle ne fournit pas toutes les clés cependant. Un détour par la pensée de Stanley Cavell s’impose, afin d’examiner, sur le mode de la lecture talmudique, la manière dont le philosophe américain, l’un des maîtres à penser du réalisateur, aborde la fiction cinématographique. En s’inspirant de la relation au texte induite par la pensée juive, on peut revoir les films de Desplechin comme les lieux d’une énigme, d’un questionnement qui implique, de la part du spectateur, une démarche interprétative.