Coter la valeur physique et reconstruire l’éducation physique scolaire : acteurs, enjeux et ambitions manquées (1952-1957)

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Fondée sur l’analyse de revues professionnelles (Héraclès, Les notes techniques de l’ENSEP, EPS), d’archives ministérielles (Direction générale de la jeunesse et des sports – DGJS) et personnelles (Jean et Pierre Letessier) et d’ouvrages de première main, cette contribution vise à saisir les enjeux liés à la cotation de la valeur athlétique des jeunes Français et Françaises au cours des années 1950, et plus particulièrement dans le cadre de l’éducation physique scolaire et de ses examens. Le travail porte même précisément sur les années 1952 à 1957, période durant laquelle s’organise le travail de réflexion du groupe d’étude nº 5 sur l’appréciation de la valeur physique, et à l’issue de laquelle sera publiée la première édition de la Table de cotation des performances sportives de Jean Letessier (1957). Comment expliquer la dynamique de travail générée autour de ce groupe d’étude ? Quels en sont les principaux acteurs et quelles idées tentent-ils de défendre ? Dans quelle mesure l’analyse de leurs discours, réflexions et productions permet-elle de mettre au jour certaines inflexions illustratives des décalages entre intentions et réalisations ? Nous montrerons que, loin de constituer un temps mort pour ce qui relève de l’appréciation de la valeur physique, les années 1950 sont au contraire un temps fort durant lequel les enseignants d’éducation physique et sportive (EPS) témoignent d’une volonté de réorganiser un enseignement jusque-là chaotique et que, pour ce faire, cette thématique de l’appréciation de la valeur physique va leur servir de levier pour reconstruire, réorganiser et moderniser la discipline, tout en répondant aux exigences docimologiques imposées par l’institution scolaire. Paradoxalement, alors que l’on pourrait s’attendre, en ces temps difficiles d’après-guerre, à ce que la mesure des capacités athlétiques serve à garantir un redressement physique national et un fichage des corps, cette réalité, et le devenir de la table Letessier dans les pratiques d’éducation physique, ne doivent pas masquer les intentions initiales de ses concepteurs qui, bien que guidés par la volonté de normaliser les procédés de cotation des performances, d’unifier les moyens de contrôle, de faciliter la transcription des résultats ou de favoriser les comparaisons entre individus, sont aussi mus par des intentions pédagogiques plus pragmatiques, destinées à répondre aux difficultés rencontrées quotidiennement par les enseignants d’EPS.

This study is based on: the review of professional journals (Héraclès, Les notes techniques de l’ENSEP, EPS), Education Ministry records (Directorate General of Youth and Sports [Direction générale de la jeunesse et des sports – DGJS]), personal records (Jean and Pierre Letessier) and first-hand documents; its aim is to understand the issues raised by the evaluation of the athletic achievements of French youth in the 1950s, and more specifically in the framework of school-based physical education and its assessment programs. In fact, this study focuses primarily on the years 1952 to 1957. This is the period covered by the study group nº 5 on the value of physical activities and which led to the publication of the first edition of Jean Letessier’s Scoring Table for Performance in Sport (Table de cotation des performances sportives, 1957). How can we define the working dynamics generated by this study group? Who were the main actors and what ideas did they seek to promote? To what extent does the analysis of their statements, reflections and productions allow us to shed light on certain meaningful changes within the gap between intentions and achievements? We will see that the 1950s were far from being a “time-out” as regards the assessment of physical value and should rather be considered as a key moment during which physical education and sports teachers showed their willingness to reorganise teaching methods that had hitherto been chaotic; to achieve this, they used the topic of physical value assessment as a lever to reconstruct, reorganise and modernise their discipline and, at the same time, meet the “grading” requirements of teaching institutions. Paradoxically, although one might expect that, in the hard times of the post-war period, the assessment of athletic abilities would have been used to ensure a physical national recovery and information on people, the use made of Letessier’s scoring table in physical education practices should not conceal the primary intention of its initiators; even though they were motivated by a wish to standardise the performance scoring processes, to unify monitoring procedures, to facilitate the tabulation of results or to encourage comparison between individuals, they were also motivated by the more pragmatic pedagogical concerns of how to address the key issues faced by PE teachers on a daily basis.