2014
Cairn
Alexandre Toumarkine, « Historiographie turque de la Première Guerre mondiale sur les fronts ottomans : problèmes, enjeux et tendances », Histoire@Politique, ID : 10670/1.7w3yhu
La Grande Guerre dans l’Empire ottoman pose des cadrages chronologique, géographique et thématique originaux et heuristiques : une guerre de dix ans (1912-1922), une multiplicité de fronts et une centralité de la iolence contre les populations civiles. Mais l’historiographie turque de la Première Guerre mondiale présente des caractéristiques structurelles qui contribuent à expliquer son isolement et son développement contrarié. Elle a longtemps été cantonnée à une histoire militaire et diplomatique classique, quasi-monopole des historiens militaires et focalisée sur la ictoire des Dardanelles et le rôle qu’y joua Mustafa Kemal. Son prisme strictement national, et nationaliste, a mal rendu compte de ses dimensions impériales. Ce repli sur soi a été accentué par le négationnisme turc du génocide arménien. Pourtant, une prise en compte récente des spécificités du théâtre ottoman, associée au timide développement d’une approche socio-économique de la guerre et à une critique inédite du militarisme, ont permis une réelle ouverture et un approfondissement. Ceux-ci ont été facilités par un contexte de libéralisation et dopés par la formation de nombreux étudiants turcs à l’étranger. Cette mutation n’est pourtant pas suffisante pour contrer les crispations mémorielles et l’instrumentalisation de l’histoire de la Grande Guerre à des fins de mobilisation idéologique.