Fixing holes in the Plan: maintenance and repair in Poland, 1945-1970

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Comment une nation comme la Pologne, qui construit le socialisme dans le sillage des destructions massives de la Seconde Guerre mondiale, s’y prend-elle pour entretenir et réparer les outils, les machines, les systèmes d’alimentation en carburant et en électricité, les navires et les chemins de fer, tout en faisant face à des pénuries persistantes de capitaux et de compétences et à des épisodes de bouleversements politiques ? Comment les individus et les ménages réussissent-ils à obtenir des services de réparation pour ceux de leurs biens qui ne peuvent pas être facilement remplacés, ou pour leurs résidences qui se détériorent ? Comment les activités telles que la fabrication de pièces de rechange, la fourniture de services ou la réutilisation des déchets ont-elles été encadrées et restructurées dans les espaces socialistes ? Comment ces efforts et ces résultats ont-ils émergé entre 1950 et 1970 ? Et avec quelles conséquences pour l’agriculture, l’industrie, les transports et la vie quotidienne ? Cet article entreprend de reconstruire les pratiques socialistes de maintenance et réparation dans l’économie planifiée polonaise au sein de trois secteurs : les transports ferroviaires et maritimes, les services aux personnes et aux familles, l’agriculture et l’industrie.Depuis leurs débuts, les capacités de transport dépendent d’un entretien rigoureux et d’un travail de réparation qualifié, sans lesquels le système ferroviaire s’effondre et les navires coulent. Pourtant, dans une Pologne en proie à des difficultés financières, le maintien de telles compétences s’est avéré difficile bien qu’essentiel, notamment parce que les locomotives à vapeur sujettes aux pannes ne pouvaient pas être remplacées facilement par les modèles diesel et électriques « modernes » que l’Occident industrialisé adoptait de plus en plus. Les familles ont été confrontées à des défis différents pour faire réparer leurs objets, des chaussures aux montres en passant par les boiseries de fenêtres. Alors que les planificateurs se concentraient sans relâche sur la production industrielle et agricole, les services « non productifs » pour les ménages dépérissaient : les artisans vieillissaient et leurs successeurs, confrontés à des revenus incertains, cherchaient plutôt à travailler en usine ; il était difficile, voire illégal, de se procurer des matériaux et des fournitures quand on ne disposait pas des allocations prévues par le plan ; et les prix bas, réglementés par l’État, donnaient la priorité aux consommateurs et non aux fournisseurs. Dans l’industrie et l’agriculture, l’entretien et la réparation ne pouvaient pas se faire sans pièces de rechange (avec des dizaines de milliers de références). Pourtant les plans de production n’offraient des primes aux constructeurs de machines et de tracteurs que pour les produits finis ; la fabrication de pièces était une perte de temps qui compromettait la réalisation des objectifs. Cette situation a conduit à des tactiques désespérées, les entreprises envoyant des techniciens sur les routes pour « chasser » les pièces dans les entrepôts, dans des entreprises comparables ou chez les ferrailleurs. Ce n’est que dans les années 1960 que des centres régionaux de réparation de tracteurs ont été mis en place, tout comme des équipes itinérantes d’ouvriers qualifiés, qui venaient réparer les machines, par exemple dans les usines de fabrication de papier. Mais à cette époque il est clair que les investissements dans l’ensemble de l’économie ont été trop faibles pendant des décennies, en raison de déficiences aussi profondes que persistantes dans la coordination technique et organisationnelle.

How did a nation like Poland, constructing socialism in the wake of World War II’s mass destruction, approach maintaining and repairing tools, machinery, fuel and power systems, or ships and railways, while contending with persistent capital and skills shortages and episodic political upheavals? How did individuals and households manage to secure repair services for personal possessions which could not readily be replaced, or for residences which were deteriorating? How were tasks like making spare parts, providing timely service, or reusing waste materials framed and restructured in socialist spaces? How did such efforts and outcomes emerge ca. 1950-1970, and with what consequences for agriculture, industry, transportation and everyday life? This article undertakes to reconstruct socialist M&R practices within Poland’s planned economy across three domains: railway and ship transportation, services to persons and families, and enterprise operations in agriculture and industry.From their inception, transportation capabilities depended fundamentally on rigorous maintenance and skilled repair work, without which railway systems would collapse and ships would founder. Yet in financially-strapped Poland, sustaining such competences proved daunting if essential, not least because failure-prone steam locomotives could not be readily replaced with the “modern” diesel-electric successors the industrialized West increasingly adopted. Families faced different challenges in getting everything from shoes to watches to window frames repaired. As planners focused relentlessly on factory and farm output, “non-productive” services for households withered: artisans aged and replacement trainees, facing uncertain earnings, sought factory work instead; securing materials and supplies outside plan allocations was difficult, even illegal; and low, state-regulated prices for tasks prioritized consumers, not providers. In industry and agriculture, maintenance and repair could not proceed in the absence of spare parts (in tens of thousands of types). Yet production plans offered machinery and tractor builders’ bonuses only for finished goods; making parts was a time-waster that undermined achieving earnings supplements. This led to desperate tactics, as firms sent technicians on the road to “chase” components in warehouses, at comparable enterprises, or in scrap yards. Only in the 1960s were regional repair centers for tractors organized, as were roving teams of skilled workers, who traveled, for example, to papermaking plants with broken machinery. By that point, however, investments across the economy had underperformed for decades, due to deep, persistent deficiencies in technical and organizational coordination.

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