2017
Cairn
Hans Wißkirchen, « Kriegsbilder und Kriegsbriefe Neuigkeiten zum Schluss des Zauberberg-Romans », Études Germaniques, ID : 10670/1.81tjgk
La Montagne magique de Thomas Mann porte la signature de son époque, elle est le reflet en art des bouleversements sociaux qui se sont produits durant sa genèse entre 1912 et 1924. Pourtant, le roman est, du point de vue chronologique et spatial, découplé de la réalité du temps. Thomas Mann comprend en effet la présence de l’histoire dans la littérature, non comme la restitution concrète d’évènements historiques réels, mais comme la description d’atmosphères spécifiques.Cette stratégie narrative est présente, condensée de manière impressionnante, à la fin de La Montagne magique qui, tout en demeurant pleinement dans l’univers esthétique du roman (le parcours initiatique du protagoniste), dépeint l’histoire du moment présent qui est celui du déclenchement de la Première Guerre mondiale. De ce point de vue une importance centrale revient à une source récemment mise au jour : les Lettres de guerre d’étudiants allemands, publiées par Philipp Witkop. Thomas Mann ne leur emprunte pas seulement, à la fin de son roman, les descriptions de la guerre, il découvre aussi, dans la tentative de Witkop en vue de donner du sens à la guerre par le choix de ces lettres, une orientation pour La Montagne magique marquée du sceau de l’ambivalence. Les réflexions authentiques des soldats traduisent certes une rupture avec les lieux communs guerriers et héroïques du xixe siècle. Elles témoignent cependant aussi d’une fixation maintenue sur la nation. Ces lettres sont ainsi pour Thomas Mann un moyen de redoubler l’ambivalence de son héros qui, à la fin du récit, part pour la guerre alors même qu’il a surmonté sa « sympathie pour la mort ».