12 décembre 2022
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Julie Alfonsi, « Dé/prédations subjectives contemporaines. Recherches sur la critique féministe du néolibéralisme », Theses.fr, ID : 10670/1.82e0d5...
La thèse propose une enquête sur l'assujettissement néolibéral à partir d'une perspective féministe. Cette enquête s'inscrit à la croisée de la tradition philosophique et de la critique féministe, dans le geste opéré par la philosophie française contemporaine qui redéploie la question de l'émancipation au prisme des production subjectives contemporaines, à même l'hétérogénéité des luttes et des différents mouvements de libération qui ont secoué la deuxième moitié du XXe siècle. Partant du constat que le mode de production capitaliste s'est étendu tant aux biens, qu'aux communs et aux corps productifs, comment comprendre les mécanismes d'assujettissement des nouvelles technologies de gouvernement qui l'organisent? Qu'apporte l'éclairage féministe à l'élucidation de ces nouvelles formes de domination ? Qu'est ce que les stratégies de résistance qui s'élaborent dans ses luttes nous engagent à penser de la reconfiguration des conflictualités politiques opérés par ces nouveaux dispositifs? En bousculant les partages entre privé et politique, la pensée féministe a porté la question du sujet, des constructions subjectives et des jeux de pouvoirs qui structurent leur élaboration au coeur de sa pensée de l'émancipation. La première partie de la thèse s'attache à en retracer la généalogie et à en dégager les enjeux afin de préciser ses apports critiques et politiques à une pensée de la complexité du présent. La seconde partie de la thèse arrime cette généalogie subjective à la matrice socio-économique qui définit les « rapports sociaux capitalistes » de notre contemporanéité : parce qu'elle articule le problème du sujet ''femme'' aux structures sociales et économiques dans lesquelles il est produit, la critique féministe offre une perspective à la fois singulière et décisive pour comprendre la dimension extractive et destructrice du capitalisme, mais tout aussi bien sa propension à créer de nouveaux régimes institutionnels, de nouvelles formes de subjectivations, et à imaginer d'autres rapports aux corps et aux vivants. Ce travail conceptuel est donc mis à l'épreuve des textes majeurs de la critique de l'économie politique discutés par les théoriciennes féministes, tout en se donnant pour tâche de restituer la manière dont une certaine conceptualité de la philosophie française contemporaine est ainsi relancée. La différence anthropologique et ses lectures naturalisantes y sont ainsi réinterrogées, au fil des dominations subreptices qu'elle contribue à reconduire. Nous reconstituons cette inquiétude en l'inscrivant dans la continuité des travaux qui ont contribué à étendre l'économie politique héritée de Marx (où la conflictualité était définie par la lutte pour les moyens de production) en déplaçant les bornes du social historique à partir du partage nature/culture (que l'on pense au biopouvoir foucaldien, ou bien aux apports de la psychanalyse sur les mécanismes d'(auto)assujettissement décrits par Deleuze et Guattari), travaux qui dialoguent à leur tour avec l'écologie politique, l'anthropologie contemporaine ou la psychanalyse. Cette enquête impliquait de rester attentive aux pratiques militantes situées et aux conflits dans lesquels elles se réinventent : des grandes Grèves de femmes en Amérique Latine portées par le mouvement Ni una menos aux commissions féministes dans le mouvement français contre la Loi travail ou la réforme des retraites, de Me too à la chorégraphie des activistes chiliennes Las Tesis qui a fait le tour du monde, aux manifestations d'ampleur des Iraniennes aujourd'hui, les aspirations émancipatrices du féminisme sont au coeur des mutations politiques et sociétales profondes que nous traversons.