13 octobre 2023
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Marie-Françoise Caumont, « La Bissula d'Ausone : aperçu de l'oeuvre et commentaires : Une étape méconnue de la réception : la Bissula de Félix Dahn », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.84hd4f
Bissula a été capturée sans doute en 368, au cours de l’expédition menée par Valentinien contre les Alamans. L’empereur lui-même en a fait don à Ausone. La jeune captive lui a inspiré de courts poèmes, composés certainement entre 369 et 371. L’ensemble de la pièce est constitué d’une lettre en prose à son ami Axius Paulus et de six petits poèmes totalisant quarante vers. Dans la lettre, Ausone reproche à Paulus de l’inciter à publier des vers indignes d’un poète renommé. Cédant finalement aux instances de Paulus, il prétend être submergé par la honte. Les deux premiers poèmes sont des préfaces : l’une de six vers est adressée à Paulus à qui il reproche son insistance ; dans l’autre préface, de dix vers, il requiert l’indulgence du lecteur, lui conseillant même d’être en état d’ébriété ou gagné par la somnolence pour apprécier ses vers. Or il s’agit de vers extrêmement travaillés laissant deviner la fascination d’Ausone pour son inspiratrice. Dans le poème 3, de douze vers (dont un incomplet) Ausone évoque le sort de celle qu’il obtint comme part de butin : aussitôt affranchie et transformée par l’apprentissage de la langue latine, sans perdre ses caractéristiques ethniques, elle est métamorphosée en une fille à la double culture. Le poème 4, un quatrain d’un lyrisme aussi exalté que contenu, est le seul où le poète exprime ses sentiments pour son élève. Puis deux courts poèmes, huit vers à l’adresse du peintre, montrent combien la beauté surnaturelle de Bissula défie le pinceau de l’artiste. Bissula a aussi inspiré l’écrivain allemand Félix Dahn qui a publié en 1884 un roman, le deuxième d’une série de treize volumes intitulée « Romans historiques sur les migrations des peuples ». Dahn met en lumière la figure de la jeune prisonnière suève qu’Ausone, alors préfet du prétoire des Gaules, a obtenue comme butin de guerre. L’ouvrage, divisé en trois livres -- I : « la jeune fille libre » ; II : « l’esclave » ; III : « l’affranchie » ---, est un roman historique écrit dans la tradition du XIXème siècle. J’en ai effectué la première traduction en langue française ; celle-ci constitue la deuxième partie de mon projet de thèse. La troisième partie de la thèse concerne le roman de Félix Dahn, Bissula, où les protagonistes, Ausone et Bissula, sont à la fois personnages historiques et personnages de fiction. Quand débute le roman, l’action se situe en 378 au bord du lac de Constance, le Venetus lacus des Romains ; ceux-ci veulent en finir une fois pour toutes avec les Germains qui occupent la rive nord. Une parenthèse entraîne ensuite le lecteur dix ans en arrière : Ausone évoque l’année 368 où il est tombé sous le charme d’une fillette qui venait livrer des poissons aux Romains cantonnés sur la rive sud. Les protagonistes sont entourés de personnages secondaires qui jouent néanmoins un rôle important. Du côté alaman Adalo, un jeune noble, a une double fonction : amoureux de Bissula, il se pose en rival d’Ausone et, partisan du Völkerbund (l’alliance des peuples) s’inscrit dans le mouvement nationaliste. Du côté romain, Ausone, chef de l’expédition, est assisté du tribun Saturninus qui sera une sorte de deus ex machina tout au long du roman. Le livre II, le plus long, décrit les pourparlers, dans le camp alaman, entre le duc Hariowald, partisan de l’alliance, et le roi Ebarbold, farouche opposant. Il sera également question de sauver Bissula étroitement surveillée dans le camp romain. Les combats font rage dans le livre III et s’achèvent au profit des Romains néanmoins affaiblis. Après leur dernière entrevue, Bissula recouvre sa liberté et rejoint Adalo, tandis qu’Ausone lui fait des adieux déchirants, dépité d’avoir été éconduit au profit d’un « Barbare ». Ausone, héros de roman, est loin d’avoir le panache du poète Ausone.