17 janvier 2024
Kristin Hoefener, « La création d’offices liturgiques de sainte Ursule: un agenda politique ou religieux? », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société, ID : 10670/1.88273b...
Un aspect souvent méconnu de la religiosité médiévale se dégage quand on examine l'histoire des historiae ou offices liturgiques. La plupart de ces offices ont été spécialement composés ou compilés pour des saints dont la renommée était limitée à une zone géographique restreinte. Ces saints locaux, bien que peu connus en dehors de leur région d'origine, jouaient un rôle essentiel dans la vie spirituelle de leur communauté locale. D'autre part, certains saints comme Catherine, Benoît, Nicolas, Thomas de Canterbury, François et Dominique étaient plus largement vénérés, ce qui explique leur présence dans de nombreux livres liturgiques. Comme il n'existait pas de modèle standard pour la composition de ces offices, plusieurs pouvaient être créés pour un même saint, en fonction du lieu où ils étaient célébrés. Cette souplesse permettait aux communautés religieuses et aux autorités ecclésiastiques locales de singulariser leurs pratiques liturgiques en fonction de leurs besoins et objectifs. La constitution du calendrier des saints sur la base du modèle romain a été complexe, et de nouveaux saints y étaient ajoutés en permanence tout au long du Moyen-Âge. Cette expansion constante des cultes, qui englobait les offices liturgiques, souligne l'importance de ces cycles de chant dans la vie religieuse médiévale. Nous nous concentrons plus particulièrement sur le cas de sainte Ursule, un personnage relativement connu en Europe, même si elle ne compte pas parmi les saintes les plus illustres. Son culte est apparu au Xe siècle et nous explorons la création et la diffusion des offices liturgiques en son honneur dans toute l'Europe jusqu'à la fin du Moyen Âge. Quelles sont les différentes raisons pour lesquelles ces offices ont été introduits dans les liturgies locales ou régionales ? Ces raisons vont des considérations politiques aux motivations religieuses, en passant par la promotion de nouveaux monastères, couvents, villes ou réformes ecclésiastiques. La question centrale est de savoir pour qui ces cycles de chant en l’honneur de sainte Ursule ont été créés et comment ils ont été adaptés d'un lieu à l'autre. L’analyse contextuelle s'appuie sur les résultats de recherches antérieures et adopte une approche comparative pour tirer de nouvelles conclusions sur l'évolution des offices liturgiques. Enfin, nous proposons de reconsidérer ces offices sous un jour nouveau, en tant que reflets de la diversité et de la complexité de la vie religieuse médiévale en Europe.