1 décembre 2024
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Mohamed Aït-Aarab, « Famille, je vous hai…me. Penser « l'envers obscur de la modernité » », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10.61736/IUEJ8447
Mayotte. Tahiti. Deux îles dont les noms évoquent des réalités et des représentations bien différentes. Si à la seconde reste attaché le cliché de Nouvelle-Cythère, la première (et l’actualité récente le confirme) véhicule une image pour le moins contrastée.Pourtant, au-delà de la carte postale ou de la rubrique des faits divers, les deux territoires présentent des similitudes. Confrontés à des chocs historiques dévastateurs, Mayotte et Tahiti se retrouvent, au XXIe siècle, à vivre avec des fractures mémorielles, identitaires, historiques, sociales, dont les travaux sociologiques ne donnent pas toujours la mesure multidimensionnelle.Les itinéraires croisés de Moïse chez Nathacha Appanah (Tropique de la violence, 2016) et de la narratrice de Mutismes de Titaua Peu (2003) révèlent des vies, des familles, des espérances, fracassées contre une réalité impitoyable. Les deux romans baignent dans un climat de déréliction qui ne semble laisser subsister aucun espoir. Les individus ont peine à résister aux pressions diverses (sociales, politiques, familiales) qui les contraignent dans des rôles sociaux imposés. Dès lors, l’éclatement est inéluctable : la cellule restreinte que Marie et Moïse ont constituée pour échapper aux aléas d’histoires personnelles tragiques et à leurs destinées respectives (Tropique de la violence) ; la famille mise en scène dans Mutismes, où l’impossibilité de se dire conduit les membres à emprunter des chemins opposés et irréconciliables.Néanmoins, la question se pose du discours porté par les deux auteures : si un nihilisme mortifère semble émaner du roman de Nathacha Appanah, celui de Titaua Peu est bâti sur une stratégie subtile laissant entrevoir une recomposition possible. Et l’engagement politique indépendantiste de l’écrivaine tahitienne permet de comprendre les formes que pourrait prendre cette recomposition. Quant à l’écriture polyphonique de Nathacha Appanah, dont la complexité renvoie à l’existence chaotique de ses personnages, elle matérialise dans le texte l’impossible unité à laquelle aspirait Marie dès les premières pages du roman.