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Florent Monkerhey et al., « L'évolution récente de différents quartiers issus de la Reconstruction: Une recherche comparative », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.8c8214...
La reconstruction des villes détruites au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale a fait l’objet d’une mobilisation considérable de l’État et des acteurs locaux, qui s’est traduite par une renaissance de ces cités. Inspirés par la charte d’Athènes, de nouveaux standards et des techniques innovantes ont présidé à cette métamorphose. Soixante ans plus tard, les quartiers issus de la Reconstruction ont vieilli plus ou moins bien. Souvent critiqués pour leur aspect austère ou inhumain, ces quartiers ont parfois souffert d’une désaffection de la part de la population.Cependant, une prise de conscience est intervenue dans les années 1990 de la part des pouvoirs publics, au moment où « l’expansion du champ chronologique » de la notion de patrimoine gagnait les bâtiments du XXè siècle. Certaines municipalités ont alors engagé un processus de mise en valeur et de protection de leur quartier de la Reconstruction. Afin de rendre à nouveaux attractifs les centres-villes de ces cités, leurs immeubles ont fait l’objet de réhabilitation importantes. Ces politiques ont également pris pour objectif de rendre à ces quartiers un certain dynamisme, en y développant des commerces, en y réduisant la vacance des logements et en y restructurant les espaces publics. Il s’est agi surtout de modifier les représentations que peut avoir la population de ces quartiers en mettant en lumière leur caractère patrimonial, et de changer le regard que portent leurs habitants sur les quartiers reconstruits.Pour éclairer les élus et leurs techniciens susceptibles d’engager des démarches de valorisation de leur patrimoine de la Reconstruction, il a semblé opportun au PUCA d’examiner des exemples de réussite, ou au contraire d’analyser des démarches qui auraient rencontré un succès plus mitigé. La présente recherche tente pour l’essentiel de répondre à la question suivante : Peut-on décrire la trajectoire de plusieurs centres-villes reconstruits après-guerre et ainsi mettre en lumière les effets éventuels des classements ou des mesures de valorisation appliqués à ces quartiers ?L’intérêt de ce travail est d’offrir une première comparaison dans le temps de l’évolution de plusieurs quartiers reconstruits de différentes villes, ayant connu des politiques de valorisation patrimoniale de plus ou moins grande ampleur.En outre, des monographies isolées ne permettent pas complètement d’isoler ce qui peut être mis au crédit des politiques engagées par les pouvoirs publics locaux. La seconde comparaison porte donc sur les centres reconstruits avec le reste de leur commune d’appartenance et permet de mieux cerner les évolutions spécifiquement locales.Quatre villes industrialo-portuaires ont été retenues pour effectuer cette recherche : Dunkerque, Le Havre, Saint-Nazaire et Brest.A défaut de pouvoir mettre en lumière des liens de causalité directs entre les politiques de valorisation et l’évolution de ces quartiers, la présente recherche tente de réunir un faisceau d’indices reposant sur l’analyse de différents indicateurs caractérisant le parc de logements sur la période d’étude 1999-2013. Pour ce faire, nous examinons en particulier des données illustrant l’occupation des logements situés dans ces quartiers et le fonctionnement de leur marché local du logement. Ce rapport est composé d’une première partie qui décrit les faits historiques les plus notables ayant eu une influence sur les villes retenues, en soulignant des similitudes et des spécificités de leurs quartiers reconstruits. Une seconde partie s’intéresse aux singularités de destin de ces centres-villes en examinant, en particulier, les deux volets d’une même question : lesquels ont pu connaître un phénomène assimilable à une « gentrification », et, à l’inverse, lesquels se sont paupérisés ? En cas de gentrification, ce phénomène peut-il être relié aux politiques de classements ou mesures de valorisation qu’ont connues ces quartiers ?Globalement parmi les quatre quartiers étudiés, 3 présentent les caractéristiques générales des villes reconstruites : devenues essentiellement locatives, leurs copropriétés accueillent pour des durées courtes des jeunes ménages de taille réduite, dé-cohabitants ou arrivés récemment dans l’agglomération, dans l’attente d’un logement plus pérenne qui serait le fruit d’une acquisition. Ils coexistent cependant avec des propriétaires vieillissant aux revenus modestes.Le quartier reconstruit de Saint-Nazaire occupe une position défavorable vis-à-vis du reste de l’agglomération, et a stagné voir régressé sur la période d’étude. En l’absence de politique de patrimonialisation les aménagements engagés depuis les années 1990 ne semblent pas complètement avoir porté leur fruit : le positionnement du quartier vis-à-vis du reste de la commune demeure défavorable et présente des signes de dégradation.Le quartier reconstruit de Dunkerque correspond bien au portrait général des villes reconstruites évoqué ci-dessus. Son évolution au cours des années 2000 est relativement défavorable et a conduit ce quartier à occuper un positionnement moyen dans la commune. Le centre reconstruit n’a pas connu sur la période étudiée de politique importante de patrimonialisation qui aurait pu enrayer ce relatif déclin.Si le centre reconstruit de Brest répond assez bien au portrait général évoqué ci-dessus, son positionnement vis-à-vis du reste de la commune paraît favorable et son évolution au cours des années 2000 présentent les caractéristiques d’une gentrification. Les politiques patrimoniales engagées juste avant ou au cours de la période d’étude semble ainsi, parmi d’autres actions, avoir contribué à ce repositionnement.Seul le quartier reconstruit du Havre paraît faire exception au portrait général. Il exerce, en effet, la même attractivité qu’un quartier central historique et dense d’une métropole et correspond mal avec la description évoquée ci-dessus. Les indicateurs mobilisés ne permettent pas de mettre en lumière une évolution sensible du quartier reconstruit du Havre vis-à-vis du reste de la ville. Il occupe aujourd’hui comme au début des années 2000 une position valorisée. Si sa population a connu un phénomène de gentrification, celui-ci a eu lieu avant notre période d’étude, vraisemblablement au cours des années 1990. Il est probable que les politiques patrimoniales mises en œuvre dès cette période, combinées avec des politiques d’aménagement engagées encore auparavant, ont contribué à cette position valorisée.