2022
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Science et Esprit ; vol. 74 no. 2-3 (2022)
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César Cumbe, « LA PART HUMAINE DU BÉTAIL AU MOZAMBIQUE : Pouvoirs, savoirs, leadership et noms discursifs du pasteur du coin », Science et Esprit, ID : 10670/1.8efawm
Au Mozambique, même si la société contemporaine urbaine est de plus en plus numérique, lettrée et scripturale, la tradition orale de bouche à oreille occupe toujours une place centrale. En effet, l’élevage du bétail (de même que l’agriculture familiale et la pêche artisanale) reste l’activité nucléaire ancestrale de rente et de survie dans les communautés rurales s’imposant et s’exposant également comme un espace discursif affranchi à la portée des familles modestes pratiquant l’agriculture, l’élevage, la pêche, la chasse et l’artisanat. C’est justement à ce titre que le pasteur du coin, par le simple acte d’attribuer un nom discursif et messager à chaque bête, devient à la fois observateur, passeur, décrypteur, éducateur et réconciliateur rapprochant ainsi troupeaux bestiaux et troupeaux humains avec ses pouvoirs langagiers et ses savoirs autochtones que nous explorons sous le prisme de la sociolinguistique interactionnelle et de l’anthropologie du langage. Autant reconnaître que l’élevage du bétail est une école à ciel ouvert polyvalente, pragmatique et pédagogique formant au-delà de l’art pastoral, puisque l’enfant-pasteur apprenti est encadré par ses tuteurs aînés déjà pasteurs chevronnés lui faisant traverser toutes sortes de rudes épreuves extrêmes et secrètes avec discipline, courage, jeux langagiers complices, esprit ouvert et bonne foi pour qu’il devienne à son tour un serviteur justicier humanimaliste.