2015
Claire Boulard Jouslin, « « La Géographie pour les dames, ou la nature des aspirations coloniales anglaises » », HAL-SHS : géographie, ID : 10670/1.8mg18w
A une période où l’on n’enseigne pas la géographie aux femmes mais tout au plus l’histoire naturelle, Charlotte Lennox, romancière et auteur du périodique mensuel the Lady’s Museum (1760-1761) entreprend d’inclure dans le programme éducatif féminin de son magazine des articles sériels intitulés « Géographie pour les dames. » Elle argue que la connaissance géographique fait partie de tout savoir poli et permet d’accroitre sa connaissance du monde et de voyager de manière plaisante sans avoir les désagréments du voyage. Mais on constate que de manière surprenante, son apprentissage de la géographie ne concerne pas l’Angleterre. Il se limite à deux pays très éloignés de celle-ci, Les Moluques et le Sri Lanka, qui sont de surcroît sous la domination coloniale hollandaise. Pourquoi ce choix d’analyser l’espace naturel de ces deux contrées lointaines ? Quel intérêt les anglaises peuvent elles tirer de la connaissance de ces deux pays particuliers ? Cette étude montre que l’auteur insiste sur les caractéristiques et le potentiel utilitaire des paysages décrits qui peuvent être modelés et exploités par l’homme. Cette utilité du paysage fonctionne à deux niveaux dans « The Lady’s Geography » : celui de l’économie humaine (La description des paysages est constamment mise en rapport avec l’exploitation qu’en font les sociétés indigènes et coloniales) et celui de l’économie journalistique (recyclage d’une relation de voyage de R. Knox par la journaliste, apport aux lectrices en matière de politesse, divertissement par la description des beautés exotiques . . . etc). La « Géographie pour les dames » semble emblématique à la fois de la vulgarisation du savoir géographique à l’époque des lumières et de l’association étroite de la valeur esthétique à la valeur monétaire à laquelle le paysage n’échappe pas.