14 décembre 2018
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Valeria Gravina, « Les personnages de médecins et hommes de science dans la littérature narrative de Luigi Capuana : une approche morale », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.912994
Le XIXème siècle est caractérisé par le progrès de la science et de la médecine: dans une société positiviste qui accorde toute sa confiance à la raison scientifique, la figure du médecin se professionnalise et l'approche thérapeutique change. Cela se reflète dans la littérature qui subit une sorte de «médicalisation».Cette recherche s'attache justement à la volonté de définir le médecin idéal au XIXème siècle à travers la morale médicale, qui plus tard deviendra déontologie, dans une période où les événements historiques, culturels et scientifiques changent profondément l'idée de «bon» et de «méchant».La thèse dresse un catalogue des personnages de médecins dans la production narrative de Capuana dans une taxonomie morale, distinguant les «bons», caractérisés par empathie et professionnalité ; les «méchants», caractérisés par égoïsme et ignorance ; les médecins aux marges, anonymes ou in absentia (à la fonction instrumentale) ; les «savants fous» qui se consacrent à des expériences complètement immorales ; les médecins confesseurs qui utilisent le pouvoir du logos comme une nouvelle approche thérapeutique.Le corpus examiné comprend une partie de la production narrative et romanesque de Capuana entre 1867, date de la publication de sa première nouvelle, Il dottor Cymbalus et 1911, date de la publication du recueil La voluttà di creare.Une partie de la thèse analyse le rôle instrumental du personnage du médecin, en particulier le personnage du Dottor Maggioli, qui apparaît dans plusieurs nouvelles. Il agit dans les textes en tant que médecin narrateur, moteur narratif et plot generator, représentant de la science et de la rationalité, témoin et garant de la vérité, mais surtout alter ego de l'auteur. À travers le Dottor Maggioli, Capuana montre son ouverture par rapport à l'idée de morale: d'un côté il condamne l'immoralité des médecins méchants, de l'autre côté il est attiré, en quelque sorte, par les médecins les plus perfides et les plus diaboliques, qui osent violer les lois de la Nature à travers la science. L'idiosyncrasie entre morale et expérimentalisme se révèle surtout dans les personnages des «savants fous», protagonistes des nouvelles typiquement fantastiques. L'élément fantastique chez Capuana est très particulier par rapport aux romans d'horreur et à la littérature gothique européenne. Le but de Capuana dans ses récits fantastiques n'est pas d'épouvanter le lecteur, mais de lui montrer un autre paradigme de réalité, dans lequel les règles de l'ordo naturalis du monde sont bouleversées, et la rationalité de la science positiviste cède la place aux phénomènes inexplicables, absurdes, et fantastiques. Dans ce monde, la morale change aussi et Capuana trouve un moyen pour justifier les méchancetés de ses personnages. Les expériences sur des cobayes humains (notamment des femmes) n'apparaissent pas aussi diaboliques aux yeux des lecteurs, parce qu'elles sont conçues comme possibles uniquement dans une réalité autre, fantastique.En conclusion dans la production de Capuana les personnages de médecins «bons» sont très rares, alors que les «méchants» sont nombreux, et même les perfides «savants fous» sont en quelque sorte justifiés. En effet la position de Capuana sur la question de la morale dans les sciences n'est pas du tout nette ni constante. Si dans les premières nouvelles, il admet l'expérimentation scientifique au nom du progrès, dans les recueils les plus récents, il aspire à une médecine renouvelée, sur l'exemple de son maître Angelo Camillo De Meis. Cette médecine voit dans la relation médecin-patient une nouvelle approche thérapeutique fondée sur la confiance réciproque et sur l'empathie, mais aussi sur le respect des droits humains et des lois de la Nature.