2023
Cairn
Sarah Rey, « Histoire des « mains servantes », de Cicéron à Arnobe », Revue historique, ID : 10670/1.93g8wz
Dans l’antiquité gréco-romaine, l’anatomie humaine a été longtemps admirée en tant que telle et les mains, en particulier, jugées dignes d’éloges. Elles sont apparues comme la marque distinctive d’une humanité considérée comme supérieure aux autres créatures. L’image efficace des mains servantes ( manus ministrae), conçue au ier siècle av. J.-C., a circulé pendant plus de trois cents ans. Elle constitue un héritage cicéronien : c’est dans le De natura deorum que Cicéron attribue à Balbus un long discours à la gloire de cette partie du corps qui reçoit l’empreinte du finalisme aristotélicien, tel qu’il s’est exprimé dans le livre IV du traité Des Parties des animaux. Le topos des « mains servantes » trouve des échos immédiats, puis renaît à des siècles de distance dans des textes chrétiens du début du ive siècle, à la fois chez Lactance, dans son traité L’ouvrage du dieu créateur, et chez Arnobe de Sicca, lequel propose dans son Contre les Gentils une bifurcation radicale : avec lui, les manus ministrae perdent de leur lustre et les bienfaits de la Création sont mis en question ; le rhéteur rejette toute forme d’anthropocentrisme. Dans cette entreprise de démolition se devinent les ambiguïtés de l’apologétique en tant que genre littéraire au croisement des traditions. Quelques décennies avant Jérôme, Arnobe semble se reprocher, par son goût pour les lettres et par sa formation même, d’être plus proche de Cicéron que du Christ.