Les maisons d’assistant.e.s maternel.le.s, une nouvelle institution dans l’histoire des modes d’accueil de la petite enfance : des pratiques professionnelles hybrides entre accueil individuel et collectif.

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22 novembre 2021

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Catherine Bouve, « Les maisons d’assistant.e.s maternel.le.s, une nouvelle institution dans l’histoire des modes d’accueil de la petite enfance : des pratiques professionnelles hybrides entre accueil individuel et collectif. », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.94830d


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Cette communication s’appuie sur une étude menée par le laboratoire EXPERICE (Université Sorbonne Paris Nord), et financée par la CNAF dans le cadre d’un appel à projet. Cette étude ethnosociologique a été menée auprès de six MAM, implantées dans six villes différentes issues de deux départements (rural/urbain), diversement dotés en modes d’accueil de jeunes enfants. Elle s’appuie sur des observations menées en immersion au sein des MAM et d’entretiens effectués tant auprès des parents, des assistantes maternelles, que des acteurs locaux et départementaux, ainsi que de l’analyse de différents supports émanant des MAM ou des institutions de tutelle.Par la loi du 9 juin 2010, les maisons d’assistant.e.s maternel.le.s (MAM) ont fait leur entrée dans l’histoire des modes d’accueil de la petite enfance, dans un contexte de tension du métier d’assistantes maternelles (AM) et de l’offre de places d’accueil en direction des enfants de 0 à 3 ans. Pour autant, elles ne naissent pas du néant. Toute institution est le produit d’un long processus de construction (Berger, Luckmann, 1989). À cet égard, les MAM n’apparaissent pas seulement suite à la première expérimentation des « regroupements d’assistantes maternelles » sur le territoire de la Mayenne en 2005, encouragées par le rapport Tabarot, et reconnus par le législateur en 2008 : elles s’inscrivent dans une suite d’expériences, où les « gardiennes à domicile » travaillent « seules et en équipe » (Bouve, Sellenet, 2011). En premier lieu, c’est l’expérimentation en 1959 à Sarcelles, sous l’égide de la CAF, du premier « placement familial en externat », reconnue par le législateur en 1971, sous l’appellation de « crèches familiales ». L’arrêté du 22 oct. 1971 modifie celui du 18 avril 1951 en reconnaissant deux catégories de crèches. Celles, initiées par Firmin Marbeau en 1844, deviennent ainsi des crèches collectives. Les enjeux tout à la fois scientifiques, politiques et idéologiques de dénomination/légitimation ne manqueront pas. C’est en 1977 que les gardiennes à domicile deviennent des assistantes maternelles (loi du 17 mai) et que leur formation se met progressivement en place, de réforme en réforme. Les expérimentations se poursuivent (« MAC-MAF » ou « crèches satellites » à partir de 2004), puis les assistantes maternelles obtiennent la possibilité de travailler en collectivité et en équipe (mais perdent là leur statut d’AM), au sein des micro-crèches (décret du 20 fév. 2007) et des jardins d’éveil (décret 7 juin 2010).Désormais, de deux à quatre AM peuvent se regrouper et travailler ensemble dans un local (« ERP »), avec un maximum de 16 enfants, aujourd’hui 20, depuis l’Ordonnance du 19 mai 2021 relative aux services aux familles. Le fonctionnement se caractérise encore par l’absence de direction, une délégation possible des accueils d’enfants entre AM. Depuis 2010, leur nombre augmente régulièrement, et elles prennent indéniablement place dans le paysage des modes d’accueil. Des villes, des entreprises, d’autres professionnelles, détournent/s’approprient le dispositif. 627 MAM sont recensées en 2014, 3000 en 2018, avec de fortes disparités départementales.La « naissance » des MAM fera l’objet de nombreux enjeux et controverses, ravivant la concurrence entre institutions d’accueil et entre métiers de la petite enfance. À cet égard, l’absence de direction et la moindre qualification des AM seront deux critiques centrales autour de l’ambiguïté du statut des MAM, comme participant de la dérégulation et de la déqualification de l’accueil des jeunes enfants. Ce débat persiste aujourd’hui.Notre travail d’enquête montre que l’accueil en MAM prend effectivement certaines des dimensions d’un accueil dit « collectif ». Dans le même temps, elles reposent sur le même principe que l’accueil individuel chez une AMD. La dimension contractuelle, individualisante, se conjugue diversement avec la constitution d’un « collectif de travail » (Caroly & Clot, 2004), l’organisation collective d’un cadre de travail partagé et l’institution de règles communes, en l’absence de toute hiérarchie. De fait, les AM de MAM donnent à voir des compétences plurielles et des responsabilités élargies. Dans notre étude, peu d’entre elles sont issues des AMD et sont alors dans une logique d’évolution professionnelle. La plupart, nouvellement agréées, s’inscrivent davantage dans une logique d’insertion professionnelle (pour les moins ou pas diplômées) ou de reconversion professionnelle (pour les plus diplômées). Maintenant durablement implantée dans l’offre d’accueil des jeunes enfants, les MAM se donnent à voir diversement comme lieu de développement professionnel et personnel amenant la reconnaissance d’une nouvelle professionnalité et la légitimité sociale d’une nouvelle institution hissée à la hauteur des crèches collectives. Les MAM sont aujourd’hui largement plébiscitées, tant du point de vue des AM elles-mêmes, que des parents et des acteurs locaux interrogés. On peut constater ici les réticences au sein des PMI de la valorisation des MAM par les communes rurales et urbaines. En effet, à moindre frais et reposant sur l’initiative privée, l’offre de places en MAM vient renforcer et diversifier l’offre locale d’accueil public, mais elle n’en reste pas moins suspectée de faire le jeu d’un certain libéralisme.

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