18 décembre 2024
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Arthur Magnier, « Happiness : la genèse d’une confusion : histoire et termes d’un débat entre utilitarisme et idéalisme », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.968628...
Afin d’éclairer historiquement les controverses actuelles concernant la définition du concept de bonheur, cette thèse explore le débat fondateur entre utilitaristes et idéalistes au cours du XIXe siècle. Une brève étude linguistique nous indique que, lors de la traduction des classiques en anglais, le terme happiness a servi à traduire un ensemble très divers de termes grecs et latins se rapportant à la notion de vie bonne ou de vie réussie. La diversité de ces concepts était telle que, pour qu’ils puissent tous être traduits par l’unique terme « happiness », ce dernier a pris le sens très large de « well-being » (que je propose de traduire par « vie réussie »). Pourtant, aujourd’hui le terme « happiness » est parfois employé pour désigner une réalité affective non-normative et distincte de la vie réussie. Ce travail montre notamment que ce sens contemporain du concept de bonheur ne trouve pas son origine au XIXe siècle. Le débat qui oppose utilitaristes et idéalistes au sujet du concept de bonheur porte simplement sur ce qu’est une vie réussie. Néanmoins, la manière dont ils font usage de ce concept peut prêter à confusion. Les utilitaristes emploient le terme happiness de manière ambiguë, si bien que l’on peine à savoir si le bonheur désigne, chez eux, le contenant (la vie réussie) ou le contenu (« le plaisir et l’absence de souffrance », pour citer Mill). Les idéalistes, eux, opèrent une distinction subtile qui ne prend sens qu’au sein de leur théorie psychologique, faisant du bonheur la dimension affective de la vie réussie. Dans la mesure où le bonheur est ce que nous ressentons lorsque notre vie est réussie, il constitue une réalité affective intellectuellement distincte de la vie réussie. Pourtant les idéalistes sont clairs sur le fait qu’il est absolument indissociable de cette dernière et ne peut être identifié autrement que comme ce ressenti qui accompagne toujours la vie réussie. Autrement dit, même si la terminologie des uns ou des autres prête à confusion, rien n’indique en réalité que le bonheur puisse être considéré comme une expérience affective indépendante au XIXe siècle. Le terme happiness ne désigne rien d’autre que la vie réussie ou, au mieux, sa composante subjective (subjective well-being). L’implication majeure de ces résultats pour les débats contemporains consiste en ce que le terme happiness ne saurait être défini et identifié sans définir au préalable ce qu’est une vie réussie.