Futur(s) d'un peuple disparu. Résurgences visuelles fantomatiques et prospectives du peuple Selk'nam

Résumé Fr

Entre 1918 et 1924, le missionnaire et ethnologue allemand Martin Gusinde a produit une archive photographique des peuples autochtones de la Patagonie chilienne. Parmi ces photographies, celles qui représentent les esprits de la cérémonie du Hain – rite d’initiation des adolescents vers le passage à l’âge d’adulte – du peuple Selk’nam, ont fait l’objet d’appropriations toujours plus nombreuses à partir des années 2000 au Chili, dans des films, des pièces de théâtres, des spectacles de danse, des performances ou des projections lumineuses.En retraçant les conditions de circulation et de diffusion des photographies de Martin Gusinde, puis en analysant ces appropriations dans le champ de l’art, cet article montre comment la pluralisation des régimes de visibilité du peuple Selk’nam leur a permis de surgir dans l’espace social des vivants, d’exister à nouveau et autrement. Les modalités esthétiques à travers lesquelles ils apparaissent dans les œuvres les ont dotés d’une autonomie, leur permettant de s’affranchir des photographies et de susciter des effets de sociabilité et de subjectivation, tout en ouvrant une réflexion critique sur l’histoire de la colonisation de la Patagonie. Le fantôme des Selk’nam disparus est ainsi progressivement devenu le revers des Selk’nam vivants, dans une relation non pas antagonique, mais de complémentarité.