15 décembre 2022
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Julien Rebotier et al., « Synthèse sur le statut de la connaissance des événements rares dans le champ scientifique », HAL-SHS : l'archive ouverte pour les sciences humaines et sociales, ID : 10670/1.97ef8e...
La typologie des contraintes (livrable 1.1) explicite des conditions qui pèsent sur la connaissance des ER. Mais elle est analytique : elle fragmente des mécanismes qui sont en fait très intriqués. Un retour critique sur cette typologie, première approche des ER, invite à interroger leur définition, et les enjeux et stratégies de connaissance qu'elle suppose. Les réserves sur la typologie sont de 3 ordres : i) Les spécificités supposées de la connaissance des ER sont contestables La production de connaissance sur les ER s'inscrit dans des contraintes, et relève de mécanismes et de configurations que l'on retrouve dans la production de connaissance en général. Or, la spécificité de la connaissance des ER tient aussi à l'appareil de connaissance mobilisé. Si la connaissance des ER exacerbe des enjeux communs posés par les façons qu'on a de connaître, on y trouve aussi d'autres enjeux sur le statut de la science et de la connaissance produite, en général. En effet, les ER ne sont pas tout à fait des objets de connaissance quelconques, comme les autres. Ils sont vus comme des objets singuliers, exceptionnels (rares) ce qui justifie de porter sur eux un regard particulier. Se posent notamment des questions de données (disponibilité, formatage, résidus), d'articulation aux modèles existants, et de lecture de processus inédits (passages de seuils, évolutions incertaines). En bref, les ER sont porteurs d'une forme d'inconfort de la science à l'oeuvre, du fait qu'ils se situent dans un cadre de connaissance moins stable (surtout en cas de désastre associé, sous pressions sociales ou politiques). C'est aussi notre appareil de connaissance qui est interpelé. ii) La distinction monde scientifique / monde social est arbitraire La science est une activité sociale-presque-comme les autres. Elle est traversée de rapports sociaux et institutionnels, d'histoire et d'espace. La vision classique d'une science autonome, auto-référencée et à distance du monde social est critiquée depuis plusieurs décennies. Pour autant, ce puissant récit d'objectivité, d'indépendance et d'impartialité continue de structurer les pratiques de recherche et les attendus sociaux de la science. Le monde scientifique n'est pas étranger au monde social. Les caractéristiques d'ordre scientifique qui pèsent sur la connaissance évoluent. Par exemple, elles sont propres à la façon dont le champ scientifique est institutionnellement organisé. Les caractéristiques d'ordre social qui pèsent sur la connaissance se conjuguent inégalement au monde identifié comme scientifique (recours à un comité scientifique ou non, décision fondée en science ou pas). La connaissance des ER nous interroge à l'intersection du monde scientifique et du monde social. iii) L'exceptionnalité des ER n'est pas si évidente qu'elle n'y paraît Dans la perspective des désastres, l'exceptionnalité des ER pose problème à deux titres. D'une part ce n'est pas l'exceptionnalité d'un événement qui commande un désastre majeur. D'autres part l'ER n'est pas exceptionnel en soi et ponctuellement, en tant qu'événement autonome et extérieur au monde social. L'ER dans la perspective des désastres est exceptionnel en tant qu'il est une rencontre entre quelque chose et le monde social, rencontre qui entraîne des effets hors-cadre, surprenants, et parfois problématiques. Tous les événements physiques rares supposés extérieurs au monde social ne sont pas l'objet du même intérêt en qualité d'ER.