Récits de rupture et du dépassement

Résumé Fr En

En partant de l’analyse de la trilogie autofictionnelle de Constance Debré et de textes choisis publiés par Édouard Louis, l’article s’attache à examiner la mise en récit de l’incorporation des normes, leur refus et leur dépassement dans une perspective qui emprunte à la notion bourdieusienne d’habitus, tout en interrogeant en détail les effets de dissymétrie notables présents dans ce corpus. Ainsi, c’est dans l’écart entre, d’une part, la question traditionnellement soulevée par les écritures de soi, “qui suis-je ?” et, d’autre part, celle, davantage présente dans l’autofiction politisée, “que faire de soi ?”, que s’opère un déplacement de paradigme auquel on assiste aujourd’hui. En effet, le glissement successif menant de la politique de l’identité vers celle de l’engagement s’observe en particulier chez des auteur.e.s qui revendiquent à la fois la transgression des normes de genre, de l’hétérosexualité et des assignations de classe. Dès lors, au-delà d’une simple thématique dans l’air du temps, la problématique de l’agentivité se déploie aussi bien au niveau des stratégies textuelles et discursives qu’à travers des postures médiatiques participant à des contextes communicationnels plus vastes qu’il s’est agi de mettre en lumière.

Based on an analysis of Constance Debré’s autofictional trilogy and a selection of texts published by Édouard Louis, this article examines the storytelling of the ways norms are integrated, how they are rejected and overcome, from a perspective that draws on the Bourdieusian notion of habitus. It also examines the presence of notable shifts throughout this corpus. A paradigm shift is taking place: where first-person writing once raised the traditional question “who am I?”, another question now pervades politicized autofiction — “what am I to do with myself?”. In fact, the shift from identity politics to the politics of literary commitment is particularly obvious among writers who claim to simultaneously subvert gender norms, heterosexuality, and processes of assignment to a social class. More than a mere theme in our zeitgeist, the issue of agency unfolds at the level of textual and discursive strategies, and also through media postures which are closely tied to broader communicational contexts that need to be taken into account.