15 juillet 2024
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Héloïse Lecomte, « Un tombeau en musique : souvenir et rituel de deuil dans la fiction britannique et irlandaise contemporaine », Textes et contextes, ID : 10670/1.99d42f...
Le mythe d’Orphée offre un exemple paradigmatique des liens qui unissent les pouvoirs incantatoires de la musique et le désir (aporétique ?) de ranimer les ombres des morts dans le récit de deuil. Dans la lignée de ce mythe, plusieurs ouvrages de fiction britannique et irlandaise contemporaine comportent des scènes musicales qui semblent œuvrer à la fois à préserver le souvenir des défunts et à constituer un rituel funéraire pour accompagner le processus de deuil. La fin de la nouvelle « The Dead » dans Dubliners (1914) de James Joyce met en scène l’écoute d’une chanson qui mène à une profonde introspection. Dans Artful (2012), Ali Smith dissémine le texte d’une ballade funèbre pour rythmer le retour du fantôme mais aussi des souvenirs du·de la défunt·e, tout comme la musique d’Orphée lui restitue temporairement son Eurydice. Dans The Child in Time (1987) et The Gathering (2007), Ian McEwan et Anne Enright soulignent la valeur relationnelle de la performance musicale. L’élégie visant avant tout à « émouvoir » et à « se souvenir » (Maulpoix De l’élégie 2018, 65), deux caractéristiques qu’elle partage avec la musique, nous chercherons à explorer dans cet article la contribution ou non des scènes musicales au geste élégiaque et à la commémoration (ou mémoire partagée) des défunt·e·s.Dans ces ouvrages, ce n’est pas seulement la pensée de la musique, mais plutôt la performance musicale concrète qui fait émerger la prosopopée, la voix des défunts. Alors que le temps du souvenir envahit la narration, la limite entre vivants et morts s’en trouve brouillée. Cet article se propose d’étudier comment l’irruption de la musique au sein du récit de la mémoire, en constituant un rituel de deuil, peut transformer le roman en un tombeau, au sens musical et monumental du terme.