2 mai 2014
Marie-Catherine Talvikki Chanfreau, « Dénonciation d'un crime d'État: l'exécution d'une figure sacrificielle de la libre pensée, Francesc Ferrer i Guàrdia, martyr du cléricalisme », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.9aqcdk
Machiavel rappelait qu'afin de s'emparer ou de conserver le pouvoir, la morale et la loi étaient détournables au nom de la raison d'État. Elle n'a, en effet, cessé d'être avancée pour ordonner, cautionner et justifier des crimes politiques qui ne furent considérés comme tels que par ceux qui eurent le courage de dénoncer la tyrannie, le despotisme et toute injustice commise par l'abus de pouvoir gouvernemental. En Espagne, le pédagogue franc-maçon et libre penseur Ferrer fonda son École Moderne. L'enseignement rationaliste mixte qu'il y dispensait aux enfants et travailleurs en fit le bouc émissaire des peurs de la monarchie confessionnelle dont l'armée, à la conscription inégalitaire, vouait les plus démunis aux carnages des conflits coloniaux. Le désignant instigateur de l'attentat anarchiste contre Alphonse XIII à Madrid en 1906, le procureur Álvaro Becerra del Toro réclama la peine capitale contre lui. Faute de preuves, Ferrer ne fut relâché en 1907 qu'après un tollé médiatique international. Contrariés, ses accusateurs le traduisirent devant un tribunal militaire qui le rendit responsable de la Semaine tragique de Barcelone en 1909. Au soulagement des élites, le roi et son chef de gouvernement signèrent sa condamnation à mort avec la bénédiction de l'Église. Or, qui échappa à la censure pour s'y opposer ? Une fois l'exécution perpétrée, qui ensuite put éviter la répression en la qualifiant de meurtre juridique ? Qui enfin, désignant le bourreau, parvint à faire reconnaître en Ferrer la victime d'un assassinat légal ? Illustrée par quelques exemples, une brève évocation des faits tente d'apporter des éléments de réponse