1 octobre 2018
http://hal.archives-ouvertes.fr/licences/copyright/ , info:eu-repo/semantics/OpenAccess
Bertrand Vayssière, « EUROPÉISTE ET EUROCRATE : LA VIE FÉDÉRALISTE DE RAYMOND RIFFLET », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.9c4232...
L’histoire de Raymond Rifflet tient en trois moments forts qui scandent sa vie et se rejoignent pour former l’esquisse d’un Européen . Il est entendu qu’« Européen » est un terme qui n’a de sens qu’à l’issue d’un itinéraire qui justifie ce qualificatif : pour reprendre l’expression de Philippe Mioche, contrefaisant la célèbre citation de Simone de Beauvoir sur les femmes, « on ne naît pas Européen, on le devient » . Raymond Rifflet est d’abord un Belge de son temps, né peu après la Première Guerre mondiale, qui fait son apprentissage politique au milieu des crises de l’entre-deux-guerres. L’européiste naît de cette douloureuse expérience, à une époque où l’homme mûr pointe déjà, où l’intellectuel a fait ses premières armes, préparé à son avenir dans une école et dans une université qui l’ont marqué à jamais, et qui l’ont décidé à changer le monde à sa manière. Mais qu’est-ce qu’un européiste ? On ne pourra pas faire l’économie de ce qui mène vers cet état, défini par un mot si vague qu’il renseigne sur le flou d’un engagement pourtant présenté sur le tard comme une évidence. Trois phases apparaissent dans la vie de Rifflet, qui rythment ce travail : celle de l’intellectuel belge, qui a grandi et s’est formé au sein d’un cadre national, dans le contexte embrouillé des années trente et de la guerre ; celle du militant européen qui, par l’élargissement de ses horizons, s’invente une sociabilité, au gré des réseaux constitués hors du territoire, plaçant son action dans une optique et un cadre totalement transformés (années 50 et 60) ; enfin, une troisième phase se dessine chez l’homme à partir du moment où il entre à la Commission européenne en 1967. Cette dernière évolution n’était pas forcément souhaitée par lui, qui jusque-là limitait son rôle à alerter gouvernements et opinions sur la nécessité d’une nouvelle forme de contrat social, et s’en tenait strictement à cette mission. Mais la logique de celle-ci apparaît après coup : elle se dessine dans les réseaux qu’il fréquente au cours de ses années militantes ; elle prend tout son sens également dans le contexte de la fin des années 60, à la croisée d’une hausse des ambitions politiques de la Commission et d’une prise de conscience par celle-ci que l’Europe doit pouvoir s’adresser aux peuples, ou au moins mettre en route des politiques plus à leur usage, ce qu’a toujours plaidé notre homme. Cette introduction s’applique donc à présenter ces trois itinéraires qui s’entremêlent : l’intellectuel belge, le militant européiste, et le fonctionnaire européen. Il s’agira, à travers eux, de mieux comprendre la symbiose entre Rifflet et son combat, dont la relation donne le sens de ce travail, qui est celui d’une biographie.