30 septembre 2024
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Vanessa Py-Saragaglia et al., « Les dernières hêtraies-sapinières subnaturelles européennes: une étude globale sur la longue durée pour leur meilleure connaissance, conservation et gestion », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.9c5fea...
Les vieilles forêts sont au coeur des débats actuels sur la lutte contre le réchauffement climatique et la crise de la biodiversité. En effet, elles possèdent une capacité d'accueil de la biodiversité très supérieure à celle des autres forêts et constituent d’importants puits de carbone. Or, des inventaires récents montrent qu'elles représentent moins de 3% de la surface forestière européenne. D’autre part, outre le climat, les peuplements survivants sont confrontés à d'autres menaces telles que les coupes à blanc, les plantations, l'utilisation non durable des ressources ou l'exploitation forestière illégale. Il devient donc urgent de mieux les connaître pour savoir ce qui doit être protégé et comment. La production de cette connaissance implique un véritable effort interdisciplinaire pour démêler les principaux moteurs, naturels et anthropiques, qui ont conduit à leur état actuel. En se basant sur une approche holistique intégrant une approche réflexive sur nos pratiques scientifiques et sur comment elles peuvent influer les forêts de demain, le projet porte sur les hêtraies-sapinières des Pyrénées françaises et des Carpates roumaines où se concentre la majeure partie des dernières vieilles forêts de montagnes tempérées. Le projet repose sur un protocole interdisciplinaire et multiscalaire déployés dans 6 sitesateliers. Il consiste à étudier les forçages naturels et anthropiques qui ont influencé les dynamiques forestières depuis la dernière reconquête forestière post-glaciaire. Pour cela, il repose sur l'analyse multiproxy d’archives sédimentaires, ainsi que sur l'analyse des sources écrites et archéologiques, intégrant des approches dendroarchéologique et anthracologiques (sols, charbonnières). Le projet vise également à caractériser la diversité biologique et culturelle héritée de ces dynamiques. Il repose sur l’analyse dendrologique et dendrochronologique des peuplements, sur la technologie LiDAR, sur le monitoring des sols combinant des analyses XRF et le protocole TEAComposition, et sur une analyse de la diversité des champignons, des insectes et des eucaryotes en utilisant le métabarcoding de l’ADNe. Les pratiques et les perceptions des communautés locales sont appréhendées par des enquêtes sociales. Enfin, le projet étudie la production de données sur les vieilles forêts depuis plusieurs décennies en Europe et au sein même du projet BENDYS pour questionner les pratiques interdisciplinaires et montrer comment la science façonne les forêts de demain. le projet a montré que les dynamiques plurimillénaires dont sont héritées les vieilles forêts actuelles, considérées comme primaires (forêts de Strâmbu-Băiuț et Bistra) ou subnaturelles (forêts des Pyrénées) par les conservateurs des espaces naturels, les gestionnaires et les écologues, ont été fortement influencées par l’humain au moins depuis 6000 ans et jusqu’aux XIXe–début XXe siècles. Certaines essences ont reculé ou disparu, tandis que d’autres ont été favorisées en fonction des besoins économiques et des stratégies de gestion. Les plus anciennes traces d’activités humaines remontent à l’âge du Bronze et ces espaces sont toujours fréquentés et utilisés par les communautés locales très attachées àleurs forêts. L’état de maturité actuel a été atteint en raison d’un relâchement des prélèvements lié à la déprise rurale et à des décisions politiques. En dépit de cet héritage bioculturel complexe, les vieilles forêts constituent des références pour inspirer des pratiques de gestion proches de la nature favorisant la biodiversité et la résilience des forêts.