5 avril 2019
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Anne Simon, « Le champ, l’arche et la scène : zoopoétique et zoomorphisme », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.9f1519...
Une vache regarde le caméraman (nous regarde, avais-je tout d’abord écrit). Puis un homme, qui nous tourne le dos et fait face à trois vaches, entre dans le champ : celui institué par la caméra, celui qu’habitent les bêtes – un même mot pour deux milieux hétérogènes. Sons de cloches, bourdonnements, pépiements, battements ferrugineux et tranquilles, bruits de sabots qui avancent sans hâte. L’homme marche lentement, et s’arrête de profil : un peu trop vivement, il tourne la tête, deux fois sur la droite, une fois devant lui, une fois à droite. Travelling sur les vaches, qui débouche à nouveau sur l’homme. L’homme ? En une dizaine de secondes, ce dont on n’avait peut-être pas pris conscience en le voyant de profil nous est devenu perceptible : il est entré – peut-on croire – dans la peau d’une vache. Sa tête et sa langue chassent des mouches imaginaires, son pied racle le sol et s’alourdit, sa peau frissonne. Le voici à quatre pattes, il commence à déambuler, pesant et agile.Ce sont ce passage, de la position debout à celle à quatre pattes, et ce changement de comportement qui amèneront les vaches à se déplacer, à tenir compte de l’humain et à le regarder.Il serait tellement simple de se dire que Cyril Casmèze joue la vache ; que les vaches sont devenues un public ou des actrices ; que le champ s’est transformé en scène ou en décor ; que le film nous transmet une expérience brute. Mais l’on est bien en peine de cerner ce qui se passe dans cet extrait.