2022
Oscar Ferreira, « À l’ombre des épées. Les seigneurs de la guerre, gardiens de la Constitution et pouvoirs régulateurs dans l’imaginaire constitutionnel haïtien », HAL-SHS : droit et gestion, ID : 10670/1.9gkp79
En raison d’une société militarisée entre 1804 et 1915, le poids des seigneurs de la guerre fut pesant dans la fondation et le maintien de l’ordre constitutionnel haïtien. Leur mission de gardien s’affiche dès la Constitution de 1801, les militaires ne se contentant pas d’accaparer la magistrature suprême jusqu’à l’occupation étatsunienne de 1915. La pratique institutionnelle laisse toutefois à désirer. Composé de militaires, le Sénat a certes été défini par le président Jean-Pierre Boyer comme le pouvoir modérateur des institutions entre 1839 et 1842, tentative éphémère d’une normalisation des institutions entre les mains de généraux au repos. Malheureusement, le climat politique et social accompagnant, dès 1859, la désintégration de l’État, sur fond de patrimonialisation du pouvoir, ressuscite (si tant est qu’elle ait disparu) la force brute des seigneurs de la guerre. Ceux-ci se livrent à des coups d’États préventifs, faisant place à des gouvernements militaires provisoires qui feront florès jusqu’à la fin du XXe siècle. En dépit de l’évidence, des officiers et futurs présidents, sans doute sincères, à l’image de François-Denys Légitime, esquisseront une théorie faisant des forces armées une sorte de pouvoir conservateur à même de réconcilier une société fracturée et de rétablir un État exsangue. Ils contribueront ainsi à nourrir l’imaginaire constitutionnel haïtien, faisant miroiter une démocratie à l’ombre des épées qui relèvera toujours du mirage.