Les dirigeants mutualistes grenoblois : des personnalités locales centrales dans la communauté gantière (Grenoble, première moitié du XIXe siècle)

Résumé Fr

Nous proposons à travers cette communication d’interroger le statut et la position sociale des mutualistes grenoblois au sein de la communauté ouvrière sur laquelle repose la fabrique collective de gants. Au XIXe siècle, Grenoble est façonnée par l’industrie gantière. Organisée sur le modèle de la fabrique collective, celle-ci produit des gants de peau de luxe destinés à l’exportation internationale. Au sein des chaînes de coopération qui interviennent dans le processus de production, l’ouvrier coupeur occupe une place centrale en raison de la qualification du métier et de sa position dominante dans l’élite ouvrière locale. L’appartenance à ce corps d’ouvriers d’élite explique le regroupement précoce au sein d’une société de secours mutuelle fondée dès 1803. La société intervient au-delà de la seule question des secours et s’investit notamment dans la règlementation de l’apprentissage et la régulation des relations de travail.C’est en ce sens que doit être interprétée la pétition du 30 avril 1845 sollicitant auprès du maire de la ville de Grenoble l’instauration d’un conseil des prud’hommes. Il s’agit d’une source exceptionnelle ouvrant la voie à une analyse fine du groupe des ouvriers gantiers.Sur la base d’une identification individuelle des pétitionnaires et d’une prosopographie menées dans le cadre d’une enquête collective , nous proposons d’interroger les contours de la communauté formée par les ouvriers gantiers. En menant une analyse de réseau, il s’agit d’identifier la trame sociale qui structure la communauté. Celle-ci est constituée de liens forts qui prennent corps dans le cadre du voisinage. Or, l’insertion dans ces réseaux interpersonnels dépend étroitement du statut des protagonistes. Il apparaît ainsi qu’en leur sein, les dirigeants mutualistes occupent une place centrale. Ces derniers peuvent être assimilés à des « personnalités locales ». En effet, ils sont titulaires d’une « position morale forte » et bénéficient d’une « légitimité acquise par reconnaissance au sein d’un groupe ou d’une communauté ». On peut également supposer qu’à travers les valeurs mutualistes, ils allient « valeurs locales et universelles ». Cette contribution propose, dans une perspective micro-historique, de réfléchir aux sources et aux méthodes pouvant être employées pour mieux cerner ces personnalités locales dans le monde de la fabrique collective de gants. Il s’agira en outre d’analyser les sources de leur légitimité ainsi que les espaces auxquels ils opèrent.