23 septembre 2019
info:eu-repo/semantics/OpenAccess
Fernando Silveira Rosa, « Écriture du réel aux frontières de l'expérience mystique : lecture psychanalytique et théologie thérésienne », HAL-SHS : philosophie, ID : 10670/1.9ndqhz
Le réel, compris comme un impossible à signifier, apparait comme le point sur lequel philosophes, théologiens et psychanalystes achoppent quand ils lisent le récit d'une expérience mystique. En fait, la mystique se présente pour eux comme un réel, soit un impossible à maitriser par le langage. Pourtant les écrits de Thérèse d’Avila montrent que l’expérience mystique, au contraire, a un lien étroit avec le réel. Pour cerner ce qui, du réel, est en jeu dans ce qui, pour un mystique, constitue une expérience spirituelle singulière, nous nous appuierons d'une part sur le travail de Freud autour de la notion de trace et sur la façon dont Lacan a développé le concept de réel. D'autre part, il s'agira de mettre en perspective une théologie mystique chez Thérèse. Cette double approche marquée par l’attention à ce qui fait frontière entre le sens et le hors sens permettra d'aborder l’écriture comme un support matériel nécessaire pour reconnaitre les traces de l’émergence du réel. Cela nous permettra de postuler que le réel peut être lu comme une condition de possibilité d’existence de l’expérience mystique. À cet effet, Thérèse de Jésus sera convoquée à la fois comme mystique, soit comme celle qui a vécu une expérience avec Dieu, et à la fois comme théologienne, soit comme celle qui a réfléchi à cette expérience. Pour être en mesure de lire cette expérience vécue comme un impossible à représenter, nous nous servirons de la manière dont Freud et Lacan ont développé un savoir autour de ce réel, lu comme Dieu dans la mystique. Mais, là où Freud considérait le spirituel comme relevant du pulsionnel, Lacan définit l’expérience mystique à partir du champ de la jouissance, en l’inscrivant dans le champ de la logique signifiante dont le réel est un produit. Cela nous amènera à réinterpréter la trace inscrite dans le corps comme une dimension du réel qui résiste à la symbolisation du corps parlant. Ce rapport entre le signifiant et le réel permet de reconnaitre les savoirs psychanalytiques et mystiques comme un savoir-faire avec ce qui relève de l’impossible. Dans le cas de Thérèse, ce réel prend la forme du Dieu-Trinitaire comme vérité. Cependant, indiquer cette vérité ne lui suffit pas, car ce qui est en jeu dans cette expérience est vivre l’union avec ce Dieu qui ex-siste au langage. Le savoir-faire avec le réel en devient une conséquence possible, voire une grâce.