1 juillet 2009
Bruce Albert et al., « Territorialités amérindiennes et Terres indigènes en Amazonie brésilienne : continuité ou rupture ? », HAL-SHS : géographie, ID : 10670/1.9o5nqe
Les aires protégées couvrent, au Brésil, sous dix-neuf statuts dif-férents, près de 30 % de la superficie de la région amazonienne. Espaces de conservation, elles sont considérées à ce titre comme un instrument de blocage foncier à même de contenir l'avancée des fronts économiques et, ainsi, les processus de déforestation (LÉNA, 2005) 1. Les habitants de ces aires protégées, lorsqu'ils sont tolérés, sont donc invités à une existence « entre soi et comme autrefois », selon un stéréotype d'immutabilité sociale souvent projeté spontanément sur les sociétés dites traditionnelles. On peut cependant penser, à l'inverse, que c'est la capacité de ces sociétés à ajuster sans cesse leur « manière d'être » en relation avec l'environnement naturel et avec les autres – à la fois en des termes qui font sens localement et dans un contexte actuel dechangement accéléré – qui permet aux aires protégées habitées de continuer à tenir un rôle effectif dans la préservation de l’environnement. Le changement social, lorsque ses acteurs en maîtrisent la dynamique, peut ainsi devenir une garantie de la conservation environnementale. Exemple de ce renversement de perspective, nous présentons ici l’étude de deux sociétés amérindiennes d’Amazonie brésilienne à partir du village d’Apiahiki (dans la Terre indigène Yanomami) et de celui de Moikarakô (dans la Terre indigène Kayapó). L’analyse du processus historique à travers lequel le territoire traditionnellement labile de ces communautés a été circonscrit et légalisé sous forme d’aires protégées spécifiques (comme Terres indigènes)nous permet d’évaluer quelques-uns des effets que cette transformation apporte sur les modalités locales de gestion de l’espace et des ressources de la forêt tropicale. À travers ces exemples, nous nous efforçons de mettre en évidence de quelle manière de telles sociétés sont à même d’inventer des formes innovantes de « développement durable » répondant à la fois à leurs propres valeurs et aux exigences exogènes de conservation des aires protégées que sont devenus leurs territoires.