2021
Cairn
Samuel Demeulemeester, « Un monopole d’État sur la création monétaire permettrait-il de réduire la dette publique ? Une étude de « l’argument du seigneuriage » à la lumière des débats sur la proposition « 100% monnaie » », Vie & sciences de l'entreprise, ID : 10670/1.9ooj4z
Cet article traite de « l’argument du seigneuriage » en faveur de l’émission publique de monnaie, en vertu duquel les finances de l’État pourraient être améliorées si celui-ci exerçait plus pleinement le privilège de création monétaire – privilège qui, pour une large part, est aujourd’hui exercé par les banques privées. Cet argument fut avancé dans les années 1930 par plusieurs partisans du plan de réforme « 100% monnaie » – tels qu’Henry Simons de l’Université de Chicago, Lauchlin Currie de Harvard, ou Irving Fisher de Yale –, qui réclamaient une couverture intégrale des dépôts en comptes courants par des réserves en monnaie légale. L’un de leurs arguments était, qu’en rendant à l’État l’intégralité du profit de seigneuriage, une telle réforme permettrait de réduire considérablement la dette publique. Dans les débats académiques, cependant, suite à une critique originellement formulée en 1935 par Albert G. Hart de l’Université de Chicago, cet argument fut largement rejeté comme purement illusoire. Hart affirmait que, parce que l’État, sous un « système 100% », serait probablement amené à subventionner les banques pour assurer la tenue des comptes courants, aucune réduction notable de la dette publique ne pourrait en résulter. Les partisans du « 100% monnaie » n’ont jamais répondu à cette critique, dont la conclusion a souvent été considérée comme définitive au sein de la littérature. Cependant, une étude approfondie de la question révèle que l’analyse de Hart apparaît contestable à au moins deux égards : l’un ayant trait aux sources du profit du seigneuriage, l’autre à sa répartition. Nous en concluons que l’argument du seigneuriage avancé par les auteurs du « 100% monnaie » n’était pas entièrement infondé.