7 janvier 2025
Open Access , http://purl.org/eprint/accessRights/OpenAccess
Hugo Tierny, « Stratégies d'accès et de déni d'accès aux portes maritimes et continentales de la Chine - les cas de Taiwan et du Xinjiang depuis la dynastie Qing », Theses.fr, ID : 10670/1.a3650c...
Ce travail vise à comparer le rôle de Taïwan et du Xinjiang dans l'histoire, les représentations militaires et le cadre géostratégique de la Chine depuis la dynastie Qing. En nous appuyant sur des sources chinoises, nous explorerons, sur la longue durée, un parallèle entre l'est et l'ouest, océan et continent, dans les stratégies militaires de la Chine. Ces liens seront examinés à travers l'utilisation enracinée par les Chinois de « stratégies d'accès et de déni d'accès » en direction de Taïwan et du Xinjiang, définies comme une quête récurrente et historique par la Chine d'une large profondeur stratégique sur ses périphéries tant continentales que maritimes, combinant les moyens militaires et non-militaires pour expulser la présence étrangère et prévenir ses menaces. On montrera qu'occuper à la fois les îles et les déserts a constitué une priorité pour les stratèges chinois depuis les conquêtes des deux terres par les armées Qing, motivées par la préoccupation de la Cour que ces terres puissent être utilisées contre l'Empire par des puissances hostiles. Or les régimes chinois suivants ont hérité de ces représentations et ambitions stratégiques, comme en témoignent les écrits de leurs plus éminents stratèges. Au fil de l'histoire et jusqu'à nos jours, la notion d'accès de la Chine à ces lieux stratégiques s'accompagne ainsi d'une volonté d'en empêcher l'accès à ses adversaires étrangers. La capacité des militaires chinois à les défendre a toujours dépendu d'un rapport de force évolutif entre la Chine et ses rivaux (nomades, pirates, Russes, Japonais, Américains..), soulignant une ancestrale difficulté à se battre sur deux fronts. Ces terres furent ainsi les premières touchées par ses cycles d'expansion et de contraction : puissante, elle s'y étendait ; affaiblie, elle s'en retirait. Ainsi, ayant longtemps dû choisir entre la protection de Taïwan ou du Xinjiang, chacune étant considérée comme une « forteresse pour assurer la défense de la nation », écrivait Chiang Kai-shek, la Chine aspire aujourd'hui à être suffisamment riche et puissante pour verrouiller et tenir simultanément les approches maritimes et continentales perçues comme des tremplins potentiels vers l'Eurasie et la haute mer. De cette double étude des mouvements continentaux et maritimes de la Chine, champ que nous sommes les premiers à investir, nous découvrons de nombreuses interdépendances entre l'est et l'ouest dans la géostratégie chinoise, ainsi qu'une série d'invariants historiques. C'est que de tels liens ne semblent pas seulement horizontaux, par la ressemblance des politiques menées à la même époque par la Chine à Taïwan et au Xinjiang. Ils sont également, dirait Marc Bloch, verticaux, tant il est évident que les politiques du passé préfigurent les actuelles stratégies de Pékin vers ces deux terres. Ainsi, alors qu'une distinction fut longtemps faite, par défaut, entre les objectifs d'ordre géostratégiques et militaires poursuivis par les Chinois à l'est et à l'ouest, vers l'océan et le continent, on montrera au contraire leur similarité, leur complémentarité et leur continuité.