12 juin 2014
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Catherine Hoffmann, « Par une porte en ruine... Anthony Powell et la poétique des ruines », HAL-SHS : littérature, ID : 10.4000/ebc.1324
« Les formes ruinées possèdent une sorte de beauté intrinsèque » observait Anthony Powell dans sa critique de l’ouvrage de Rose Macaulay Le Plaisir des ruines, avant d’exprimer dans sa propre fiction le plaisir esthétique suscité par la contemplation de bâtiments en ruine. Dans A Dance to the Music of Time, son œuvre maîtresse publiée après guerre, le narrateur affectionne particulièrement les perspectives encadrées par des piliers, de préférence en ruine. S’il perçoit et décrit les fragments architecturaux contemporains à travers le filtre de réminiscences picturales — Piranèse, Canaletto, Pannini et Hubert Robert, en particulier — les implications temporelles inhérentes aux ruines offrent par ailleurs de multiples possibilités narratives. Le présent article se concentre sur l’ouverture du cinquième volume de Dance, Casanova’s Chinese Restaurant: les ruines d’un pub londonien, détruit par un bombardement, y composent la scénographie d’une perspective temporelle qui, partant du moment de leur contemplation après guerre, conduit au récit d’une période antérieure à la guerre. Cette ouverture narrative, à la fois seuil et cadre, n’opère pas seulement la transmutation d’une destruction historique en matériau diégétique: elle donne forme verbale à l’interaction entre les perspectives visuelles et temporelles, et, à la manière des architectures sans toit ni murs de la peinture baroque, elle captive l’imagination, dépassant ainsi sa fonction narrative et structurale manifeste.