2015
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Claire Harpet, « Du plomb dans l'eau ! Entre rationalité et usage symbolique : la molybdomancie, une pratique à contre courant au XXIème siècle », HAL SHS (Sciences de l’Homme et de la Société), ID : 10670/1.a58ce5...
Le plomb est aujourd'hui reconnu comme un métal à toxicité élevée, à effets cumulatifs et généralisés, responsable notamment d'une pathologie grave appelée « Saturnisme ». Il a été classé en 2004 par le Circ (Centre international de recherche sur le cancer) comme « substance probablement cancérogène pour l'homme ». Une nouvelle réglementation sur le taux de concentration maximale autorisé du plomb dans l'eau destinée à la consommation humaine est appliquée depuis le 25 décembre 2013 : elle fixe, conformément à la directive du conseil de l'Europe du 3 novembre 1998, le taux de présence du plomb dans l'eau à 10 µg/L, rendant obsolètes toutes les canalisations en plomb. Faisant fi des mises en garde sanitaires et des logiques de précaution, une pratique « sociale » que l'on croyait abandonnée, alliant le plomb et l'eau, connaît, au coeur des villes du XXI e siècle, un renouveau : la molybdomancie qui tire son nom du grec « molubdos » (plomb) et « manteia » (divination) est une technique divinatoire qui consiste à verser du plomb en fusion dans un récipient d'eau froide. Au contact de l'eau, le plomb prend des formes variées et signifiantes. C'est de leur examen que l'on tire les présages. Le plomb utilisé et aggloméré ne doit pas être conservé une fois le rituel effectué. Placé dans un sac plastique, il termine sa course dans le cours d'eau le plus proche. Quant à l'eau qui a servi au rituel, elle peut être versée au pied de la porte du praticien pour le protéger du mauvais oeil et conjurer les sorts. Incidemment découverte au cours d'une enquête ethnographique de terrain sur les usages et les représentations de la Saône urbaine en région Lyonnaise, la pratique du plomb dans l'eau nous a menée dans les interstices des croyances et de techniques occultes contemporaines.