L’occupation catalane de Djerba d’après le témoignage de Ramon Muntaner

Résumé En Fr

From 1284 to 1334-5 the island of Djerba, off the coast of Hafsid Ifrīqiya, wasoccupied almost continuously by the Catalans, constituting an advanced base facingthe Maghreb coasts as well as a staging post on the maritime routes of the easternMediterranean. Himself a governor of the island from 1309 to 1315, Ramon Muntanerrecounts the first years of this domination, first under the authority of the admiral Ro-ger de Lauria and his heirs, then under his own administration. His narrative, whichhe interweaves with events affecting the Crown of Aragon and the Kingdom of Sicily inthe Mediterranean, offers a well-documented insight into this particular political expe-rience His account also makes it possible to question the place of Djerba in the stra-tegy of control of the Mediterranean islands by the Crown of Aragon, emphasizing itssingular status linked both to the largely private nature of its domination, during theLauria’s occupation but also after, and to its position in the Mediterranean. Essentialto the domination and control of the passage of the Sicilian Canal towards the east,the island appears as the instrument of strategies in the Mediterranean, facilitating thefight against piracy and more broadly a domination on the sea. But its proximity to theMaghreb coast, to which it was connected by an artificial pathway, also made of it aninstrument for political pressure on the Hafsid sultans of Tunis, through interventionsin regional conflicts in southern Ifrīqiya.

De 1284 à 1334-5 l’île de Djerba, au large de l’Ifrīqiya hafside, est occupéede manière presque continue par les Catalans, constituant une base avancée faceaux côtes maghrébines autant qu’un relais sur les routes maritimes de Méditerranéeorientale. Lui-même gouverneur de l’île de 1309 à 1315, Ramon Muntaner raconte lespremières années de cette domination, d’abord sous la conduite de l’amiral Roger deLauria et de ses héritiers, puis sous sa propre administration. Son récit, qu’il entre-croise avec les événements touchant la couronne d’Aragon et le royaume de Sicile enMéditerranée, offre un éclairage documenté de cette expérience politique particulière.Il permet en outre de s’interroger sur la place de Djerba dans la politique de contrôledes îles de la Méditerranée par la couronne d’Aragon, en soulignant son statut singu-lier lié à la fois au caractère largement privé de sa domination, sous les Lauria maisaussi après, et à sa position en Méditerranée. Essentielle à la domination du passagedu canal de Sicile en direction de l’est, par une position qui permet de verrouiller cepassage, elle est un instrument mis au service de stratégies à l’échelle de la Méditerr-anée, de lutte contre la piraterie et surtout de domination sur mer. Mais sa proximitéavec la côte maghrébine, à laquelle la relie une chaussée artificielle, en fait égalementun point d’appui de politiques de pression sur les sultans hafsides de Tunis, par l’in-tervention dans les conflits régionaux dans le sud de l’Ifrīqiya.