Souffrance au travail et discours capitaliste : une lecture lacanienne subversive Suffering at work and capitalist discourse : a subversive lacanian reading Fr En

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Le débat médiatique oppose la psychologie du travailleur et les conditions de travail. Une recension des travaux des sociologues du travail montre qu’il est possible de penser une autre articulation, à partir de diverses causalités : l’anomie, soit une dérégulation qui rend floues les limites (Durkheim) ; une langue de l’entreprise spécifique, dénuée de sens (Gaulejac) ; une répression de la pensée (Dejours).Freud et Lacan sont tous deux des lecteurs de Marx. Le premier en fait un adversaire qui méconnaît la pulsion de mort tandis que le second lui rend un hommage appuyé, revisitant sur ses traces la dialectique hégélienne du maître et de l’esclave grâce au paradigme des discours. Deux concepts majeurs s’en déduisent : le signifiant-maître, qui démontre la puissance injonctive du langage et le plus-de-jouir, contrepartie des restrictions imposées à la jouissance dont Lacan fait le principe même du capitalisme. Toutefois, la science et la financiarisation de l’économie contemporaine pulvérisent le discours, éradiquant le sujet au profit de la comptabilité, ôtant toute barrière à la jouissance, devenue un droit inaliénable. Le règne des nombres ne permet de réfléchir qu’en termes d’une continuité qui se déroule à l’infini (1+1+1+…) et non plus d’oppositions (permis/interdit) susceptibles de mettre des limites aux excès. Sortir du discours capitaliste suppose un maniement nouveau du langage. En faisant résonner la jouissance qu’il recèle, le psychanalyste donne une chance à chaque Un de se réapproprier sa propre langue et par là, de dire non au toujours-plus. Le désir qui surgit fomente un lien social nouveau et permet de penser un système politique alternatif à la gouvernance mondialisée par les nombres.

Debates in the media oppose workers psychology against working conditions. A review of studies by sociologists of work shows that it is possible to articulate these opposing elements differently, based on various causalities: anomie, a deregulation that blurs the limits (Durkheim); a specific, meaningless company language (Gaulejac); a repression of thought (Dejours).Freud and Lacan are both readers of Marx. Freud makes him an adversary who disregards the death drive whilst Lacan pays him a strong homage, retracing in his footsteps the Hegelian dialectic of master and slave thanks to the paradigm of discourses. Two major concepts can be deduced from this: the master-signifier, which demonstrates the injunctive power of language, and the surplus-jouissance, the counterpart of the restrictions imposed on jouissance that Lacan makes the very principle of capitalism.However, science and the financialisation of contemporary economics pulverise the discourse, eradicating the subject in favour of accounting, removing any barrier to jouissance, which has become an inalienable right. The reign of numbers only allows us to think in terms of a continuity that unfolds ad infinitum (1 + 1 + 1 +…) and no longer of opposing elements (allowed / forbidden) that are likely to put limits on excess.Leaving a capitalist discourse supposes a new way of handling of the language. By making resonate the hitherto concealed jouissance, the psychoanalyst gives everyone a chance to reappropriate their own language and thereby to say no to always-more. The desire which arises creates a new social bond and makes it possible to think of an alternative political system to the globalized governance by numbers.