« Parce que je l’aime trop, je ne peux pas l’épouser »

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2017

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Nathalie Manrique, « « Parce que je l’aime trop, je ne peux pas l’épouser » », Cahiers d'anthropologie sociale, ID : 10670/1.aaqelc


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Pour les Gitans de Morote et de San Juan, deux petits bourgs du sud de l’Espagne, l’identité est essentiellement véhiculée par le sang. De fait, plus les sangs sont semblables, plus les individus sont censés ressentir mutuellement de l’attachement ( cariño). L’affection siège en effet dans le sang, substance protéiforme, qui détermine l’identité liminaire de tout individu. Le sang est transmis par les hommes, via la relation sexuelle (le sperme est un sang purifié et nourricier), à leur épouse (dont le corps se modifie progressivement) et à leur progéniture conçue lors de la coagulation des menstrues (constituées majoritairement par le sperme du géniteur de celle-ci) provoquée par le mouvement séminal. Lorsque les sangs des partenaires sexuels sont trop semblables, par conséquent lorsque leur attachement est trop fort, la dynamique spermatique, trop faible, ne peut provoquer la coagulation fécondatrice. À la répulsion provoquée par l’idée d’inceste (mélange de sangs trop proches supposés véhiculés des sentiments forts), s’ajoute donc l’effroi de la stérilité ou de la fabrication d’un avorton. L’alliance s’oppose alors à l’affection. Pour se marier, il faut s’aimer mais point trop. Le mariage par rapt pratiqué et revendiqué par les Gitans de Morote et de San Juan qui nie la proximité affective par définition, affirme et met en scène (résistance feinte de la jeune fille, pleurs des parents, etc.) le bien-fondé de l’union puisqu’elle a lieu hors du champ de la proche consanguinité. Le rapt représente donc la forme de mariage idéale.

For the Gypsies of Morote and San Juan, two small villages in the south of Spain, identity is essentially conveyed by blood. In fact, the more similar the blood is, the more individuals are supposed to feel attachment (cariño) each other. Affection is indeed situated in blood, a protean substance, which determines the precinct identity of each individual. Blood is transmitted by men during sexual intercourse (sperm is purified and nourishing blood) to their partners (whose bodies are progressively modified) and to their offspring conceived through the coagulation of menstrual periods (constituted mainly by their genitor’s semen) caused by the seminal movement. When the blood of the sexual partners is too similar, that is to say when their mutual attachment is too strong, the spermatic dynamics, too weak, cannot cause fertilizing coagulation. To the repulsion provoked by the idea of mixing blood, that provokes then the terror of sterility or of abortion. Marriages are then opposed to affection. To marry, love cannot be too strong. The marriage by rapt practiced and claimed by the Gypsies of Morote and San Juan and which denies the affective proximity by definition, affirms and stages (feigned resistance of the girl, crying of the parents, etc.) the well-founded of the union as it takes place outside the field of close consanguinity. Marriage by capture is therefore the ideal form of marriage.

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