2022
Cairn
Olivier Abel et al., « Dossier : la justice entre éthique et droit : Table ronde « Quel droit et quelle morale ? » (Sceaux, 16 janvier 2000) trois conférences inédites préfacées par Olivier Abel », Analecta Bruxellensia, ID : 10670/1.acb9a0...
Entre un droit protecteur des vulnérabilités, mais qui risque de traiter les sujets de manière paternaliste en éternels mineurs, et un droit du contrat librement consenti, au risque de majorer leur responsabilité, la notion de consentement est au cœur du droit. L’exposé d’A. Garapon montre le déplacement de paradigme du premier axe vers le second. Il insiste sur la nouvelle figure de la subjectivité responsable, émancipée et autonome en train d’émerger, et la vague libérale qui la porte. Mais en contre-point il en indique les limites. Chacune de ces figures a ses effets pervers, qui se mesurent dans le passage des anciennes pathologies de la culpabilité à celles de la dépression. Le noyau de l’exposé d’O. Abel se situe dans la suggestion des vieux codes mésopotamiens et bibliques, qui disent à la fois l’égalité stricte de la « canne », des « poids et mesures », des « règles », et la protection de la veuve et de l’orphelin. Dans ces débats, à chaque fois difficiles et perplexes, on est porté à pondérer ses convictions initiales par les arguments adverses, qui conduisent à une sorte de sagesse pratique. Avec Ricœur, il préfère montrer que les conflits profonds doivent être davantage intériorisés. Pour P. Ricœur, le vocabulaire de la justice et du juste recèle plusieurs significations qui se déploient à l’intersection de deux axes : d’une part le juste désigne le bon, la vertu au sens aristotélicien, dans une visée de style téléologique, d’autre part le juste désigne plutôt ce qui est légal, la règle au sens kantien, et le style est ici plus procédural. Ricœur montre ainsi une tension entre ces différents sens qui ne sont pas étanches : il y a donc correction mutuelle permanente, déformation mutuelle des notions par le jeu de cette tension : et le juste se cherche moins par synthèse que par un perpétuel ajustement.